lundi 8 septembre 2014

affrontement

Lorsque l’auteur de ce texte me revint à l’esprit, mon mauvais pressentiment se changea en une vive inquiétude, il s’agissait d’une fable de Jean de La Fontaine. Un long grincement emplit la pièce, deux portes venaient de s’ouvrir, de la première sortirent un Loup, un Cerf et un Corbeau. A l’autre apparurent la tête d’un renard, la soutane délabrée de la mort ainsi qu’un lion à la majestueuse crinière. Tous les animaux, menés par le spectre, s’avancèrent vers nous.

-Eh bien ! tel est pris qui croyait prendre !

Dans notre dos, un petit rat nous regardait de ses yeux noirs. Quand il vit s’approcher Marie, il décampa à toutes pattes vers ses alliés.

-Il me semble me rappeler un singe élu roi à qui j’avais joué le même tour !

- J’en aurai, dit le Loup, pour un mois, pour autant
Un, deux, trois, quatre corps, ce sont quatre semaines
Si je sais compter, toutes pleines.

Dans l’ouverture, une gigantesque silhouette se dessina dans l’ombre, une grosse patte marron pourvue de longues griffes s’exposa à la lumière, puis une deuxième. La forme s’extirpa de l’encadrement de la porte, il s’agissait d’un ours ; l’immense animal se dressa sur sesmembres postérieurs et gronda sa phrase si connue :

- Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours
Qu’on ne l’ait mis par terre !

A l’armée animale s’ajouta encore un homme trapu au visage carré et à la mâchoire proéminente, armé d’une hache. Huit paires d’yeux nous fixaient, je sentais mes mains trembler ; en face, le canidé passa sa langue le long de ses babines, voyant déjà en moi son prochain repas. Mon regard se perdait dans les pupilles noires du Loup qui continuait de s’approcher, un coup de feu me ramena à la réalité, Gabriel venait de tirer sur le Corbeau. Le volatile croassa désespérément en essayant de se maintenir en l’air ; peine perdue, il s’écrasa quelques secondes plus tard.

-Maintenant ils ne sont plus que sept, nota Le Faucon.

La mort de l’oiseau servit de signal à ses compagnons qui, dans le même temps, se jetèrent sur nous.
La tête baissée et les bois en avant, le Cerf galopait vers mon assassine qui se trouvait déjà aux prises avec l’Ours. La Mort s’avança vers le sniper, décidée à prendre sa revanche. Marie faisait face au Renard et au Lion, pour ma part, j’héritai du Loup et du Bûcheron. L’animal au pelage sombre tournait autour de moi, les babines retroussées, dévoilant une rangée de crocs blancs ; l’homme, quant à lui, restait stoïque et contemplait le spectacle. S’arrêtant dans sa ronde, le carnivore se tassa avant de bondir, gueule grande ouverte, vers ma gorge ; je levai mon bras ; devant moi, les mâchoires se refermèrent sur mon poignet entouré de chaînes. Le Loup s’acharna un moment sur les maillons d’acier avant d’abandonner, préférant reculer, mes dagues venaient de me sauver la vie et je me félicitai intérieurement de m’être transformé en héros, sans quoi je serais déjà sur le béton, égorgé.
La bête recommença à tourner, sans jamais me perdre de vue ; me concentrant sur elle, j’en oubliai mon autre adversaire qui en profita pour s’approcher dans mon dos.

-Emmanuel !

La voix de Marie perça au milieu de tous les bruits de lutte pour arriver jusqu’à moi. Me retournant vers elle, mon regard s’arrêta sur la masse de muscles brandissant sa hache au dessus de lui.
Le Bûcheron resserrait sa prise sur le manche de sa cognée et la levait au-dessus de sa tête quand soudain son geste se stoppa. Dans un hurlement de douleur, le personnage lâcha son arme et, toujours en hurlant, retira le cimeterre planté dans son dos. Grace à son intervention, mon héroïne me permit de rester entier, en contrepartie, elle devait désormais affronter ses ennemis avec une seule arme. Rouge de rage et ivre de douleur, le colosse me saisit par le cou et me souleva, faute de hache, il tenait fermement l’épée ruisselante de sang de la guerrière. Dans mon dos j’entendais les hurlements du Loup qui s’intensifiaient, il fallait que je me dégage à tout prix. Le manque d’air se faisait sentir, l’étau sur mon cou se resserra et je sentais ma conscience vaciller, comme lors de mon expérience contre la faucheuse, mon champ de vision s’obscurcit. Le visage de mon bourreau se déformait sous l’effet de sa blessure au dos et de sa colère, ses traits s’étiraient en un rictus effroyable qui rendait son visage semblable à celui des gargouilles qui ornent les cathédrales. Plus terrifiant encore, la certitude que derrière moi se trouvait une bête prête à me bondir dessus, ses grognements me parvenaient clairement, et bien que je ne la voie pas, il ne m’était pas difficile de l’imaginer, s’apprêtant à me déchiqueter.
Alors que l’oxygène se faisait de plus en plus rare, l’animal attaqua ; profitant de mes dernières secondes de lucidité je réussis à lacérer le large bras du Bûcheron avec mes lames, le faisant lâcher prise. L’homme vit le Loup se jeter sur lui, la collision fut très dure, les deux corps musculeux se percutèrent violemment et roulèrent au sol, durant les quelques secondes que dura l’action, je restais étendu, les bras écartés, les poumons en feu, aspirant avec avidité tout l’air que je pouvais.
Malheureusement les deux héros se relevèrent rapidement m’obligeant à me redresser également, le personnage humain de La Fontaine arborait une nouvelle blessure, cette fois due aux crocs de son compagnon.
Serrant fermement mes dagues, je courus vers le héros blessé, voyant en lui la proie la plus facile. Lorsqu’il comprit que je le visais, Le Bûcheron poussa un rugissement terrifiant et se mit à charger à son tour vers moi ; malgré ses plaies, il se déplaçait à bonne vitesse, l’épaule en avant.
Il était évident que je ne pouvais aucunement rivaliser avec lui en face à face, cela n’avait jamais été mon idée. Au dernier instant, alors que nous nous trouvions à un mètre l’un de l’autre, je jetai une de mes armes à gauche et plongeai en même temps à droite. Le bélier ne s’arrêta pas, passant à toute vitesse à côté de moi, ma chaîne s’enroula autour de son pied. Avant d’avoir pu réagir, l’homme trébucha et tomba.
L’occasion ne se représenterait sûrement pas une deuxième fois. De nouveau sur mes jambes, je sautai sur la masse de chair et plantai la dague qu’il me restait dans la blessure encore sanguinolente qu’avait ouverte mon héroïne. Le personnage lança un cri déchirant et se débattit comme un diable.
Touché par une de ses gesticulations, je fus éjecté de son dos et contraint de m’éloigner de quelques pas pour reprendre mes esprits. Son coup aveugle m’avait atteint en pleine mâchoire, ma tête bourdonnait encore et ma vue se troublait. Le héros devenait fou furieux, la douleur le rendait incontrôlable et il balançait ses poings dans tous les sens sans savoir si ceux qu’il touchait étaient des ennemis ou des alliés. Ainsi le Loup, paniqué par cet accès de fureur, eut droit à un magnifique crochet qui l’envoya au tapis un peu plus loin.
Pour mettre fin aux souffrances du malheureux, je plantai mes dagues dans son corps, espérant que cela suffise à l’achever, mais mon ennemi était robuste et continuait à lutter.
Après un nouveau hurlement, le Bûcheron saisit mes chaînes à pleines mains et tira d’un coup sec ; je décollai littéralement et fonçai vers lui à toute vitesse.
Il possédait une force prodigieuse. Il prépara déjà son poing ; s’il me touchait, je ne m’en relèverais certainement pas.
Alors que tout semblait perdu et que je me voyais déjà assommé par son crochet, le personnage fut attaqué par son camarade canidé qui le mordit à la cheville, sûrement en guise de vengeance pour le coup qu’il avait reçu auparavant. Déconcentré par cet événement, l’homme m’oublia l’espace d’un instant, pour balayer le crâne du Loup d’un revers de la main. Lorsqu’il revint sur moi, il était trop tard. Je le percutai de plein fouet, la tête la première, le choc termina ce que les blessures avaient commencé et le Lafontainien s’effondra enfin, mort ou alors sans connaissance.
Il ne me restait plus qu’un dernier adversaire, lequel avait reçu plus de coups de la part de son soi-disant partenaire que de moi-même.
Sa gueule dégoulinait de sang et ses yeux exorbités lançaient des éclairs de rage, son pelage noir s’était teinté de reflets écarlates et tout son corps se préparait une nouvelle fois à me bondir dessus. Cette fois, il n’était pas question de se laisser surprendre ; quand il passa à l’attaque, je plantai mes dagues dans sa gorge et le clouai au sol.
L’action n’avait duré qu’une poignée de secondes. Le Loup lutta désespérément, mais les lames qui perforaient son cou furent fatales. Désormais je pouvais regarder comment se débrouillaient mes héros : Anna aidait Gabriel dans son combat contre la Mort, un peu plus loin gisaient les cadavres du Cerf et de l’Ours, tous deux éventrés. Marie quant à elle semblait éprouver plus de difficulté face à ses deux opposants, qui plus est, elle se battait avec une seule épée.
Sans avoir besoin de réfléchir, je courus au secours de ma guerrière, espérant que mes deux autres personnages réussissent à faire face au spectre. En arrivant à son niveau, je trouvai mon héroïne encore plus mal que je ne l’avais cru, son bras portait quatre longues estafilades, assez profondes pour l’empêcher de l’utiliser. Son visage, couvert de sueur, portait les marques de la fatigue, et sa respiration haletante me confirmait son état.
Mon héroïne accueillit donc mon arrivée avec une joie apparente. En face, Les deux animaux ne paraissaient pas être blessés, et mis à part le Renard, qui boitait un peu, on eût juré qu’ils n’avaient reçu aucun dégât.

-Je voulais te défendre pour que tu n’aies pas à te battre et au final c’est toi qui viens m’aider, ironisa Marie.

Je ne répondis pas et lançai directement l’assaut à mes deux nouveaux adversaires, pensant ainsi les surprendre, ce ne fut malheureusement pas le cas.
Après seulement deux pas, Renard se jeta dans mes jambes et je fus forcé de sauter pour éviter d’être mordu. Le Lion choisit évidemment ce moment pour lui-même passer à l’attaque ; en un bond, il couvrit la distance qui nous séparait et d’un violent coup de patte il taillada une partie de mon abdomen.
Je pouvais m’estimer chanceux de ne pas avoir été coupé purement et simplement en deux. En retombant au sol, je respirais toujours et quoiqu‘une douleur grandissante envahît tout mon corps, j’étais en vie. Ma guerrière avait suivi mon attaque sans pouvoir intervenir, et lorsqu’elle me vit chuter, blessé et en sang, un éclair passa dans son regard et son visage changea complètement.
La fatigue fut chassée par un autre sentiment, la colère, ses yeux se chargèrent de haine, tout son corps subit le changement de cette agressivité croissante, et lorsque son tout être fut saturé, cette violence, cette animosité qui grandissait en elle déborda jusqu’à former une véritable aura malveillante. Marie ressemblait de plus en plus aux animaux qu’elle combattait, seule sa forme humaine la différenciait d’eux, et la haine qui émanait d’elle me remémorait l’épisode de la rébellion des héros.
Les deux Lafontainiens, quelque peu effrayés par ce changement de comportement, délaissèrent mon corps mutilé pour se focaliser sur le nouveau danger qui leur faisait face. Ma guerrière, si tant est qu’il s’agisse bien toujours d’elle, attaqua la première ; contre cet assaut les deux bêtes effectuèrent la même combinaison que celle qui m’avait amené là où je me trouvais, à savoir étendu sur le sol, grièvement blessé.
Avec une agilité étonnante, mon personnage plongea en avant afin d’esquiver le balayage du Renard, planta son cimeterre dans le sol et s’en servit de point d’appui pour éviter le coup de patte du Lion. Atterrissant avec souplesse, la combattante retira son arme des dalles, pivota sur ses talons et faucha l’animal roux qui, ayant loupé sa première attaque, venait de bondir vers elle toutes griffes dehors. Le félin regarda son camarade se faire tuer sans réagir, apparemment l’amitié n’était pas très présente dans l’armée de Jean de Lafontaine.
Les deux duellistes se faisaient face, immobiles, se défiant du regard, les muscles bandés, prêts à réagir au moindre geste de l’autre. Au final, ce fut l’animal qui enclencha quelque chose. Conscient de l’avantage que lui fournissait son corps puissant, il opta pour un assaut direct, prenant tout de même garde à la lame, encore couverte du sang du goupil, qui attendait le bon moment pour frapper.
Pas à pas, le Lafontainien s’approcha de front vers mon héroïne qui l’attendait, droite, le cimeterre levé au-dessus de sa tête. A quelques mètres de sa proie, Le Lion jaugea une dernière fois son opposante et bondit en rugissant ; l’arme s’abaissa, fendant l’air, pour se planter dans les larges muscles du roi des animaux, mais il en fallait plus pour le tuer. Prenant conscience que son coup avait échoué, Marie tenta de s’enfuir mais il était déjà trop tard, la gueule béante de la bête se referma sur le mollet de mon héroïne.
De mon côté, mes plaies m’interdisaient toujours tout mouvement, m’obligeant à assister, impuissant, au combat désespéré que menait ma combattante, laquelle essayait par tous les moyens de dégager son épée profondément ancrée dans la chair de la bête.
À chaque fois que la lame remuait dans la plaie, le Lion poussait un grognement de douleur et raffermissait sa prise sur la jambe de sa victime.
Les deux héros continuèrent ainsi pendant près d’une minute jusqu’à ce que, ne pouvant plus en supporter davantage, Marie renonce à récupérer son arme. Dans un suprême effort de volonté, je tentai une dernière fois de me relever, mon corps entier n’était que souffrance, on eût dit qu’un
brasier brûlait dans mon torse, des lacérations coulaient toujours plus de sang, mais j’en avais vu tellement depuis mon arrivée dans ce monde que cela ne me choquait même plus.
Alors que je réussissais à me mettre à genoux, un vertige faillit faire échouer tous mes efforts ; devant mes yeux le sol parut basculer, ma notion de distance et de profondeur s’altéra, si bien que je voyais mon héroïne tantôt à des dizaines de mètres, tantôt en gros plan juste en face de moi.
L’étourdissement continua encore quelques minutes, pendant ce temps Marie essayait toujours de s’échapper de la prison de crocs qui la retenait par la jambe. Lorsque, enfin, je me tins debout, un nouvel obstacle se dressa devant moi, il s’agissait de garder l’équilibre et d’avancer, habituellement la chose me paraissait si banale et si facile que je l’effectuais sans même y penser. Mais lorsque l’on a perdu une certaine quantité d’hémoglobine, que tout notre corps semble peser une tonne et que l’on voit la salle où l’on se trouve tanguer fortement comme si l’on se trouvait sur un bateau, alors parvenir à faire un pas tenait de l’exploit.
Et pendant que je m’affairais à ma tâche, la guerrière, obligée de s’en sortir seule, échafaudait un dernier plan de fuite. Tendant ses mains, elle les posa, paumes ouvertes, contre la lame du cimeterre, prit une profonde inspiration et appuya violemment contre l’acier afin de l’enfoncer plus profondément encore dans la plaie.
La conséquence de son acte ne se fit pas attendre, le Lion serra un peu plus sa mâchoire, mais sa proie ne s’arrêta pas et réitéra son geste. Une nouvelle lutte débuta alors, il s’agissait de voir lequel était prêt à endurer le plus de tortures, chacun son tour.
Les deux participants augmentaient le supplice de leur adversaire et se préparaient, en contre partie, à recevoir à leur tour un peu plus de souffrance. Les deux combattants luttaient pour ne pas céder devant l’autre. Si l’on eut un jour à faire la représentation imagée de la douleur, il ne fait aucun doute que ce serait leurs expressions que l’on utiliserait.
Finalement, le Lafontainien relâcha son emprise et recula d’un bond. Ne pouvant plus en supporter davantage, enfin libérée, Marie chancela et s’évanouit. Etant de nouveau debout, l’animal vit en moi son prochain adversaire et s’élança pour m’achever ; la tache ne serait pas compliquée puisque je tenais à peine sur mes jambes.
Dans cet état, l’idée de combattre ne m’effleurait même pas. Je restai donc là, hébété, le regard vitreux et les bras pendants, regardant venir vers moi cette boule de muscles ayant sorti ses griffes pour les planter dans ma chair. J’allais mourir, et l’on saurait enfin ce qu’il se passerait pour mes héros, dans quelques secondes mon torse s’ouvrirait en quatre entailles, déversant le peu de sang qu’il me restait, et extirpant de mon corps les lambeaux de vie qui s’y accrochaient encore.
Face à la fin, alors que l’énorme patte se dressa devant mes yeux, ton mon être restait calme et serein, attendant patiemment que cela se finisse. J’allais mourir, mais, dans le fond, cela ne m’effrayait pas. Une sorte de résignation avait gagné mon esprit quand je m’étais aperçu que personne ne pouvait intervenir pour me sauver.
Comme je l’avais prédit, le coup traça quatre profonds sillons le long de mon torse, l’air me manqua, je ne pouvais plus respirer, comme si l’oxygène me fuyait. Je fus tout de même déçu en remarquant que ma vie ne défilait pas devant mes yeux, encore une fausse croyance, à la place, mon regard se posa sur Marie, laquelle se releva, presque au ralenti, tandis que mon corps s’affaissait et s’aplatissait contre le sol dur et gelé. Je l’entendais clairement crier mon nom, sa voix tremblait sous le coup de l’émotion, et la fin de son cri se transforma en sanglots entrecoupés de temps en autre d’un long hurlement déchirant.
Mais tout cela se passait sans que je n’y fasse vraiment attention, sans que cela me touche, comme si je n’étais que spectateur de ce spectacle. Un froid immense me gagnait petit à petit, tout s’obscurcissait devant mes yeux et, alors que je glissais doucement vers la mort, pour la énième fois depuis les deux derniers jours, une autre voix perça le voile des ténèbres qui m’entourait, la voix puissante de Gabriel :

-Marie, va chercher les cahiers d’Emmanuel ! Dépêche-toi, on peut encore le sauver !

En entendant ces paroles, un déclic s’opéra dan mon esprit, le calme, la sérénité et la résignation s’évaporèrent, faisant place à une véritable rage de vivre, une envie, un besoin de lutter. Il m’aurait été impossible de dire clairement depuis combien de temps je me trouvais entre la vie et la mort car dans ces moments, le temps suit un cours totalement différent de celui que l’on connaît. Faisant des efforts surhumains pour garder le peu de conscience qu’il me restait, je ne perdais pas une parole de ce qu’il se passait autour de moi.
En réponse à l’arrivée du héros, le Lion poussa un long rugissement, et aux bruits rythmés qu’il émit, j’en déduisis qu’il courait vers le nouveau venu.

-Je les ai, cria la guerrière.

-Prends le mien et rajoute à ma description une connaissance parfaite des fables de La Fontaine !

Au vu de la situation, cette demande me parut des plus ridicules, jusqu’à ce que je me souvienne de l’épisode où William bâtit la Mort en citant les derniers vers d’une fable. Un cri de douleur s’éleva du côté de mon personnage, le Lion avait-il tué le sniper, tuant par la même occasion mes derniers espoirs de vie ?

-Je voulais bien mourir
Mais c’est mourir deux fois que souffrir tes atteintes.

Le Lafontainien couina de douleur et se stoppa dans sa lancée, Gabriel enchaîna sans attendre :

-Amour, amour, quand tu nous tiens
On peut bien dire : Adieu prudence.

Les mots atteignirent le Lion, pareils à des lances, le perforant de toutes parts.

-Pendant que je le retiens, soigne Emmanuel avant qu’il ne soit trop tard !

Cette injonction m’incita à poursuivre ma lutte contre l’obscurité qui envahissait mes pensées, ce combat, qui me sembla s’étaler sur des centaines d’heures, dura en réalité à peine quelques secondes pendant lesquelles la guerrière tira mon livre et commença à réparer toutes les dégradations qu’il contenait.
Dès le début des restaurations, mon esprit s’éclaira, chassant l’ombre, l’étreinte de la mort se relâcha, l’air accepta enfin de revenir vers moi, et j’accueillis la première bouffée avec un plaisir indescriptible.
Je recouvrai également la vue, prenant conscience de ce qu’il se passait, le sol occupait une grande partie de mon champ de vision, j’étais étalé sur le ventre, un goût de sang emplissait ma bouche, il s’agissait sans aucun doute de mon sang.
Mais la guérison ne se fit cependant pas sans douleur, et le moment de la cicatrisation constitua certainement le passage le plus douloureux de tous. Les bords des plaies s’étiraient jusqu’à se toucher, mais l’opération fut bien moins simple qu’il n’y paraît, la peau résistait, refusait de s’étendre. J’avais l’impression que des mains invisibles tenaient fermement chaque côté et les rapprochaient de force, à la manière d’une personne qui force pour fermer les boutons d’un pantalon qui lui serait beaucoup trop serré.
La douleur déferlait en moi, mer ravageuse qui submergea toutes mes pensées, et chaque nouvelle vague m’enfonçait toujours plus profondément dans la souffrance. Je voulais crier, mais aucun son ne sortait, et cette torture ne cessa pas, bien au contraire, au fur et à mesure que la « guérison » avançait, le calvaire grandissait. M’évanouir me semblait être la meilleure solution, mais même cette issue m’était refusée, j’étais condamné à endurer tout cela, et le pire m’attendait.
Lorsque la plaie fut enfin refermée, mes blessures se mirent à s‘embraser, au sens premier du terme, des flammes courraient le long de ma peau, roussissant mon épiderme qui reprenait instantanément sa teinte d’origine après le passage du brasier. L’incendie se poursuivit encore de longues secondes, et quand le feu s’éteignit enfin, mon corps ne gardait plus aucune trace des plaies ou des brûlures, même la douleur avait disparu en un instant.
Haletant, je m’étais retourné sur le dos et fixais le plafond, le regard vide, le Faucon continuait son combat verbal contre l’animal, Anna s’interposait entre son coéquipier et la bête, quant à Marie, elle clopina vers moi, presque aussi amochée que je l’étais auparavant, les vêtements poisseux de sang, des entailles à plusieurs endroits, mais ce furent ses yeux qui retinrent mon attention.
Ses deux grands yeux couleur ambre me regardaient, et je lisais en eux tant de joie, de soulagement et d’amour que je me sentis happé par ce flot d’émotion intense qui m’enveloppa comme une douce caresse. Elle se laissa tomber près de moi et se mit à pleurer, des larmes de bonheur, je voulais la serrer contre moi mais mon corps demeurait encore trop lourd et les chaînes à mes poignets clouaient mes bras au sol.
Un rugissement rauque brisa cette scène, le Lion vivait ses derniers instants, le roi des animaux ne possédait plus rien d’imposant, sa taille avait diminué de moitié, sa langue pendait hors de sa gueule, sa musculature autrefois impressionnante laissait maintenant place à un corps frêle et affaibli.
Gabriel sortit son Beretta et s’approcha, à pas lents, de son ennemi terrassé, comme un bourreau s’approche de l’échafaud où l’attend le condamné.

Toute la fureur du Lafontainien n’y changea rien ; incapable de se relever, il se contenta de rugir et de mordre dans le vide, ses yeux débordaient toujours de haine. Le faucon s’arrêta à deux mètres du monstre vaincu, tendit son bras devant lui, et tira une unique balle qui se logea dans le crâne de la bête, la créature se débattit encore un moment, refusant de perdre face à sa proie, mais finalement ses blessures l’emportèrent et il mourut.  

mardi 2 septembre 2014

passe muraille


9



Je passai encore une partie de ma nuit à écrire, enfermé dans la petite pièce, relisant les descriptions de mes héros dans tous les sens en me retournant l’esprit à la recherche de la moindre petite chose à améliorer, le simple petit détail à modifier. Quand le sommeil se fit sentir, je refermai les cahiers et m’allongeai sur le canapé qui, bien qu’assez raide, m’offrit une couche très confortable. Chose peu ordinaire, je rêvai de la vie que je menais dans le monde réel, un double de moi continuait à effectuer sa routine quotidienne, se lever tôt le matin pour se rendre au lycée, aller en cours, manger, retourner de nouveau en cours, rentrer, manger, dormir. Lorsque mon moi s’endormit dans mon rêve, je m’éveillai ; dans l’âtre de la cheminée, il ne restait du feu qu’un tas charbon de bois entouré de cendres. Mes héros ne dormaient plus, Marie et Anna jouaient au cartes, Gabriel n’était pas là :

-C’est rare de te voir te réveillé si tard, railla l’assassine, tu veux jouer avec nous ?

-Comment avez-vous eu ces cartes ?

-Je les ai écrites, clama fièrement Marie, mais j’ai dû faire une erreur à un endroit parce qu’elles ont tendance à disparaître puis à réapparaître de temps en temps.

J’observai le paquet avec attention, effectivement, les contours oscillaient légèrement, comme si elles tremblaient. Le faucon ne tarda pas à revenir, les bras chargés de nourriture, en posant son chargement ; des croissants, des chocolatines et des pancakes dévalèrent un des sacs pour atterrir au milieu de la partie de mes héroïnes qui, faute de connaître autre chose, jouaient à la bataille. Une autre poche contenait de quoi boire ainsi que plusieurs pots de confiture neufs avec des baguettes de pain :

-Tu en as beaucoup trop pris, soupirai-je, cela ne servait à rien de prendre autant de choses !

Gabriel se contenta de hausser les épaules avant de s’asseoir pour manger. Mes autres personnages l’imitèrent sans attendre, délaissant leurs cartes clignotantes pour les tartines qui ne demandaient qu’à être mangées. Inutile d’en rajouter davantage, et de toute façon, mon estomac criait famine lui aussi, ce qui décrédibilisait totalement mes protestations.
Le petit déjeuner fut pour ainsi dire un véritable festin.
Ne se souciant aucunement du gaspillage, chacun goûtait aux aliments sans retenue, piochant un peu partout au gré de son envie. Il fallait admettre que tout, de la viennoiserie à la marmelade, était délicieux, je finis d’ailleurs par abandonner tout désir d’économie et dévorai avec gourmandise tout ce que je pouvais.
Une fois repu, je préférai patienter peu avant de sortir chercher un adversaire. Le ventre plein, je m’affalai sur le lit en espérant que l’envie de vomir passerait, l’opulence m’avait fait faire des excès. La pause digestion fut de courte durée, rapidement mes personnages en eurent assez de ne rien faire et après avoir passé toute leur matinée à attendre que je me lève, il leur tardait de pouvoir marcher une petit peu.
Comme de coutume, les couloirs débordaient d’auteurs, au milieu de cette foule opaque, nous évoluions avec difficulté, luttant contre le courant pour ne pas être séparés. Dans cette situation, interpeller des écrivains pour leur proposer un duel était très compliqué ; tous marchaient, regardant droit devant eux ou discutant avec leurs personnages, mais sans jamais se soucier des autres, à croire qu’aucun d’entre eux ne désirait combattre.
Afin de nous extraire de cette masse de corps pressés, je nous conduisis dans les salles les moins fréquentées, là au moins nous pouvions nous déplacer sans être collés les uns contre les autres. Nous n’étions pas les seuls à préférer le calme aux salles pleines à craquer et emplies de milliers de bruits assourdissants, quelques auteurs vagabondaient eux aussi, certains même recherchaient aussi des adversaires. Nous croisions un homme d’une quarantaine d’années, portant un binocle et une petite barbiche noire, sa tenue vestimentaire se composait d’un long manteau marron très démodé, d’un pantalon de tissu ainsi qu’un chapeau melon, marron. Je m’arrêtai pour lui proposer un duel :

-Et bien pourquoi pas, répondit-il avec entrain, cependant il faut d’abord que vous voyez ça avec mon concepteur, tiens, d’ailleurs le voilà qui arrive.

En effet un autre homme venait vers nous, il marchait d’un pas assuré, revêtant une élégante veste en tweed grise agrémentée d’une cravate de la même couleur. Ses cheveux grisonnants, tirés en arrière, laissaient apparaître un large front creusé de rides, une paire de grosses lunettes noires couvrait ses yeux et sa grande bouche aux lèvres fines lui donnait une expression sévère.

-Veuillez excuser l’impolitesse de mon personnage, s’excusa l’écrivain en nous rejoignant, il a tendance à se laisser aller et à oublier les bonnes manières.

-Ce n’est rien, répondis-je, gêné. C’est moi qui ai parlé à votre héros en pensant qu’il s’agissait d’un auteur, j’étais en train de lui proposer un duel, qu’en dites-vous ?

L’homme réfléchit un instant, jaugeant mes personnages l’un après l’autre :

- Je n’y vois pas d’inconvénient ! Dutilleul, veuillez entrer dans une arène, votre opposant va vous y rejoindre rapidement.

Le héros s’exécuta sans sourciller, il me fallait maintenant choisir lequel de mes combattants irait se battre. Le dénommé Dutilleul entra dans une cage de bonne taille, composant un angle de la salle, la surface où se déroulerait le combat était plus que respectable. Je désignai Gabriel, lequel pénétra sans plus tarder dans l’enceinte. En voyant approcher mon champion, un petit sourire se peignit sur le visage de mon rival.



Dès le départ, Gabriel privilégia ses pistolets, posant son fusil de précision sur le sol, son adversaire ne cillait pas, ne sortait aucune arme et ne s’effraya pas lorsque le tireur pointa ses berettas vers lui, bien au contraire, l’étrange protagoniste semblait euphorique. Mon personnage fit feu, deux balles, accompagnées du bruit de la détonation, fusèrent vers l’homme en manteau qui ne s’en souciait pas le moins du monde. Les projectiles s’enfoncèrent dans son habit, puis dans son corps, avant de ressortir de l’autre côté, sans laisser la moindre trace sur le tissu ou sur la chair. Riant de bon cœur, le survivant s’inclina noblement en se présentant d’une voix moqueuse :

-Dutilleul, plus connu sous le nom de Passe-Muraille, pour vous servir.

Ne se laissant pas impressionner, le Faucon tira deux nouvelles salves qui, comme la première, ne causèrent aucune blessure à son ennemi, qui riait de plus en plus fort.

-Ne te fatigue donc pas, rien ne peut m’atteindre, autant abandonner tout de suite !

Mais mon héros refusait d’être mis en déroute aussi facilement et déchargea tout son chargeur sur l’homme hilare. Au moment de son dernier coup de feu, un mur de pierre se dressa entre les deux personnages. Passant sa tête et un de ses bras au travers de la cloison, l’individu souleva son couvre-chef pour remercier son auteur qui, une feuille à la main, était à l’origine de cette soudaine création. Finalement, Gabriel se rendit à l’évidence et rangea ses armes, inefficaces, puis, se tournant vers moi, il demanda d’une voix monocorde :

-Il me faudrait quelque chose pour attaquer au corps à corps.

Accédant à sa requête, j’écrivis pour mon personnage une paire de poings américains, lesquels se terminaient de chaque côté par une lame d’une dizaine de centimètres.
Le héros ouvrit puis ferma ses mains plusieurs fois, afin de s’habituer au contour de métal qui ceignait en partie ses doigts. Malgré l’air satisfait qu’arborait Le Faucon, je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter, c’était la première fois qu’il utilisait ce genre d’arme et je doutais de son efficacité au combat rapproché.
Dutilleul l‘observait, intrigué, sans chercher à profiter de cet instant pour prendre l’avantage, il fallait reconnaître qu’il ne possédait visiblement aucune qualité pour le combat et que son seul atout résidait évidemment dans sa capacité à passer au travers des matières, capacité qui lui permettait de ne pas avoir à savoir se battre.
Après s’être bien accoutumé à son nouvel équipement, Gabriel fondit sur l’Aymien qui ne chercha pas un instant à esquiver ; le coup de poing porté par mon héros ne rencontra, encore une fois, aucune résistance et son adversaire le regardait, immobile

-Encore un coup pour rien mon gars, combien d’autres avant d’abandonner ?

Mon personnage ne prit pas la peine de lui répondre ; se redressant de toute sa hauteur, il toisa le Passe-Muraille, qu’il dépassait d’au moins deux têtes, et passa sa main au travers de son corps à plusieurs reprises. L’homme se laissait faire, gloussant à chaque fois que la main le traversait.

-Ne te fatigue pas mon ami, je suis le Passe-Muraille, rien ne peut m’atteindre.

Il s’apprêtait à poser sa main sur l’épaule de Gabriel quand celui-ci lui porta une attaque fulgurante. Surpris, le personnage bondit en arrière, la fine lame du point américain trancha tout de même une longue bande du tissu de son manteau.
Evénement rare, Le Faucon sourit, un sourire glacial qui lui conférait une expression sadique. Approchant de son opposant, mon héros se pencha vers lui et lui glissa quelques mots.
De là où je me trouvais, je ne pouvais pas entendre, cependant, en voyant l’Aymien devenir blanc comme un linge, je retrouvai confiance quant à l’issue du combat.
Le sourire du Passe-Muraille disparut pour la première fois depuis le début du combat, ses yeux couraient dans tous les sens avant de se poser sur le fusil de précision posé par terre. S’accrochant à cet espoir, Dutilleul détala à toute vitesse vers le sniper posé sur le sol, pendant sa fuite, mon personnage sortit un de ses pistolets, changea son chargeur vide, et le mit en joue. Avant que le personnage n’ait atteint l’arme, cinq balles lui passèrent au travers ; lorsqu’il se baissa pour s’en saisir, trois nouveaux projectiles le perforèrent sans lui causer de dégâts.
Quand il pointa le canon vers Gabriel, un nouveau tir traversa son corps de part en part sans rencontrer de résistance, enfin, quand il se rendit compte que le fusil ne contenait aucune munition, une dernière balle passa au travers de sa tête, entre les deux yeux.
Tout en faisant feu, mon héros s’était approché ; quand son Beretta fut vide, quelques mètres le séparaient de son ennemi. En trois enjambées, Le Faucon rejoignit le Passe-Muraille et le frappa en plein estomac, son poing pénétra profondément dans la chair, tirant à l’homme un long cri de douleur. Du sang imbiba le tissu, le teintant de rouge, le visage du Passe-Muraille se tordait en un rictus douloureux, Gabriel retira son poing et frappa une deuxième fois au même endroit, Dutilleul gémit une dernière fois avant de s’effondrer par terre.

-L’auteur Emmanuel passe à la 564ème place, bravo. Marcel Aymé rétrograde à la 452ème place, dommage.

A côté de moi, l’auteur pestait contre son personnage et envoya ses héroïnes afin de récupérer le corps inanimé ; les trois jeunes femmes, aux traits parfaitement identiques, soulevèrent le corps du Passe-Muraille et le sortirent de l’arène. Pendant ce temps, Aymé regarda le personnage vainqueur :

-Tu féliciteras ton héros d’avoir découvert la faille de son adversaire. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, je dois m’en aller.

Après avoir incliné la tête en guise de salut, l’écrivain tourna les talons et sortit de la salle, suivi de près par ses personnages portant toujours le cadavre de Dutilleul. Lorsque Marcel Aymé fut parti, je me tournai vers Gabriel et lui posai la question qui me brûlait les lèvres :

-Comment l’as-tu battu ?

Le Faucon haussa les épaules et répondit d’une voix posée :

-J’ai simplement compris que, au bout d’un certain nombre d’attaques, il devait redevenir normal pendant quelques secondes. J’ai eu un doute lorsque son auteur à créé un mur pour le protéger de mon dernier tir, puis j’ai eu la confirmation de ce que je pensais quand j’ai réussi à couper un bout de son habit. Quand je lui ai dit que je connaissais son point faible, il a commencé à paniquer. Je suis quand même assez vexé qu’il ait pu penser que j’avais laissé une arme chargée à sa portée !

Ayant obtenu les explications que je désirais, je proposai de repartir chercher un nouvel adversaire.

-C’est toujours la même chose, râla Anna, on passe nos journées à chercher des combats, on ne pourrait pas faire autre chose de temps à autre ?

Je comprenais parfaitement son avis, cependant, mis à part les duels, je ne connaissais pas d’autre activité à faire dans cette dimension, et les affrontements permettaient de voir les points à améliorer chez mes héros.

- Un dernier combat, négociai-je, après on cherchera autre chose à faire, cela te convient ?

L’héroïne accepta l’accord en grommelant. Alors que nous allions partir, une jeune femme vint à notre rencontre et nous demanda si nous étions d’accord pour un duel. Pour une fois, nous n’avions pas eu à déambuler pendant des heures, j’acceptai avec joie la proposition et suivis la femme qui nous conduisit vers la salle où se trouvaient déjà ses héros.

-Veux-tu faire un 1 contre 1 ou bien un 2 contre 2 ?

Elle ne me répondit pas et se contenta d’avancer en silence.

-Nous sommes arrivés, finit-elle par déclarer en nous montrant une porte du doigt.

Dans mon dos, Anna s’approcha de moi :

-Je n’ai pas vraiment confiance en elle !

-Moi non plus, lui confiai-je.

Notre guide ne sembla pas remarquer notre discussion et continua à marcher, une démarche très cadencée, presque mécanique. Un mauvais pressentiment me parcourait, et les doutes de mon assassine ne firent qu’attiser ce malaise. A l’intérieur de la salle, rien ne semblait sortir de l’ordinaire, tout paraissait normal : je m’étais inquiété pour rien ?

-Et où sont tes héros ? demandai-je

Ma question resta sans réponse ; en me retournant, je découvris que la jeune femme avait disparu, à sa place se tenait une chatte blanche faisant sa toilette. Une chatte métamorphosée en femme, cette phrase me disait quelque chose, j’avais déjà lu un texte qui portait ce titre.




lundi 1 septembre 2014

Dragon

Dans l’appartement, mes héroïnes patientaient déjà, Anna tournait en rond tandis que Marie tenait dans ses mains un cahier. En nous voyant rentrer, toutes les deux se jetèrent sur nous et nous assommèrent de questions, elles parlaient toutes les deux en même temps, et à une allure si soutenue que seule la moitié de leurs phrases était compréhensible.
Ne sachant pas quoi faire dans une telle situation, Le Faucon préféra se taire, repoussant gentiment les deux jeunes femmes, il se traîna jusqu’à son matelas et s’y effondra faisant comprendre qu’il ne désirait pas répondre aux interrogations.
Je l’aurais bien imité en me réfugiant dans les draps, mes héroïnes ne m’en laissèrent pas l’occasion ; seul face à elles, j’essayais de répondre à leurs questions. Très vite, la fatigue se fit sentir et je réclamai moi aussi le droit de me reposer. Bien que n’ayant pas encore fini leur interrogatoire, elles me laissèrent m’allonger et sombrer dans un profond sommeil, peuplé de Spectres squelettiques armés de faux.
Ce moment de répit fut réparateur, l’engourdissement disparut enfin totalement, mes bras ne pendaient plus lamentablement le long de mon corps, comme s’ils eussent pesé des tonnes. Toute l’aventure ayant précédé mon repos me paraissait issue d’un mauvais rêve ; dans la chambre, mon héros ronflait toujours dans son lit, Anna dormait également, recroquevillée dans la couette, la tête enfouie dans son oreiller.
Dehors, le jour commençait à décliner, le soleil entamait sa phase descendante, ma sieste avait duré deux heures, au grand maximum. La pièce, encore baignée de lumière, était incroyablement calme, seule la respiration bruyante de Gabriel rompait de temps à autre le silence qui régnait. Sans faire de bruit, je m’extirpai de la couverture et me dirigeai vers le bureau. J’y trouvai Marie, éveillée, assise dans le canapé qui faisait face à la cheminée, elle lisait un livre serré contre elle, le livre contenant ma description.

- Comment te sens-tu, demanda-t-elle en sortant de sa lecture.

-Mieux, plus reposé. Et soulagé que cette affaire soit enfin terminée.

Elle me tendit l’ouvrage avec un regard inquiet.

-J’ai posé le reste de ton sac dans l’autre pièce. Apparemment tu es parti à la poursuite de cette chose en oubliant toutes tes affaires, Anna et moi les avons retrouvées éparpillées dans une salle.

-Merci, je ne m’étais même pas rendu compte que je les avais perdues.

Marie soupira puis leva vers moi un regard triste :

-Quand je les ai retrouvées, ton livre était abîmé, avec des coupures à chaque page. Je les ai réparées à la va vite, dans la panique, je ne sais pas si cela t’a été d’une grande utilité.

Je me souvenais de la vague d’énergie ayant déferlé en moi après que William nous eut sauvés, le sniper et moi. Remerciant chaleureusement mon héroïne, j’allai m’asseoir à ses côtés en feuilletant l’ouvrage.

-Ce sont les avantages d’être un héros moi aussi, notai-je.

Même si je ne la voyais pas, je sentais le regard meurtrier que me lançait la guerrière, du coin de l’œil, je regardais son visage, son front barré révélait son inquiétude.

-Tu m’en veux toujours ?

Elle ne répondit pas, mais son expression en disait plus que n’importe quoi. Les lèvres pincées, les sourcils froncés, le regard fuyant, tout m’indiquait que mon acte n’était toujours pas pardonné. Un lourd silence s’installa, aucun de nous ne savait quoi dire, si bien que, plusieurs minutes durant, on s’occupa à une autre activité en essayant de ne pas regarder l’autre. Je me replongeai dans la description que je connaissais déjà par cœur, Marie torturait ses doigts en se mordant la lèvre inférieure. Ne supportant plus cet embarras, je finis par rompre mon mutisme :

-Je m’excuse d’avoir fait cela en cachette. Mais je l’ai déjà dit et je le redis ici, il est trop tard pour faire marche arrière, en plus, tu ne pourras pas nier qu’être un héros m’a permis de me défendre et de résister là ou d’autres auteurs normaux sont morts. Bien sûr, cela comporte des risques, mais essaye de voir les bons côtés plutôt que te borner aux mauvais, et puis ce n’est pas comme si j’étais en première ligne. Je compte aussi sur ma grande guerrière divine pour me protéger.

Le qualificatif la fit sourire.

-Mais tout à l’heure je n’étais pas là, et même avec Gabriel tu as failli te faire tuer. Je te dois la vie, c’est toi qui m‘as imaginée et qui m’a créée, bien avant d’apparaître dans ce monde je vivais déjà les aventures que tu façonnais avec moi. Tu es mon créateur et la personne à laquelle je tiens le plus, et si tu meurs, je meurs aussi ; moi, Anna, Gabriel, nous mourrons tous avec toi. C’est pour cela que je t’en veux, ici être un héros signifie se battre et je ne veux pas que tu te battes. Tu nous as créés pour te protéger, en te transformant en personnage tu rejettes notre protection, ce pour quoi nous vivons. Si je ne peux plus te défendre alors à quoi est-ce que je sers ?

Elle pleurait, sa voix tremblait, les larmes roulaient le long de ses joues et se réunissaient sous son menton pour tomber en grosses gouttes, ses yeux humides fixaient le vague. Elle était si belle, voir son visage ravagé par la tristesse m’était insupportable, j’aurais tout donné pour la voir sourire.
Je tenais toujours le livre, la cause de tout son malheur, le feu crépitait dans la cheminée, l’espace d’un instant j’hésitai à y lancer la description et la regarder se faire dévorer par les flammes, se faire consumer jusqu’à ce qu’il n’en reste que des cendres. Mais cet acte reviendrait à me suicider, le brasier me brûlerait de l’intérieur jusqu’à ce que mort s’en suive, et rien ne serait réglé. Marie continuait de sangloter, déposant le livre, j’enroulai mes bras autour de l’héroïne et l’amenai contre moi :

-Tu n’as pas été créée pour me protéger, la réconfortai-je. Si je suis sûr d’une chose c’est que c’est à toi que je dois tout, je ne t’ai pas créée, c’est toi qui m’es apparue un beau jour, amenant avec toi des histoires dans lesquelles tu jouais le rôle de personnage. C’est toi qui m’as donné le goût de l’écriture et pour ça que je t’interdis de dire que tu ne sers plus à rien, ou que ta présence se limite à ma protection. Quand je t’ai vue au départ, tu n’avais pas de nom, est-ce que tu sais pourquoi je t’ai appelée Marie ?

Elle secoua la tête en signe de négation.

-Marie est l’anagramme du verbe aimer. Tu es ma muse, et il est normal qu’un écrivain cherche à défendre sa source d’inspiration, surtout lorsqu’elle est aussi belle que toi.

Mes mots l’atteignirent en plein cœur, ses sanglots s’espacèrent, ses yeux rougis se levèrent doucement et se plantèrent dans les miens.

-Je peux très bien me défendre toute seule, tu m’as créée ainsi, mais je ne peux pas vivre toute seule, alors comment veux-tu que j’accepte de te laisser prendre des risques que tu pourrais éviter ?

-Moi aussi je peux me défendre, mais dis-toi que je ne voulais pas non plus te laisser prendre tous les risques et attendre bien sagement que tout soit fini. J’ai survécu à la Mort, je pense que je ne débrouille pas trop mal !

-Alors promets- moi au moins de ne pas trop en prendre, cela m’empêchera de trop m’inquiéter.

Je passai une main dans ses cheveux, sa longue chevelure de jais où dansait le reflet des flammes.

-Si cela peut te rassurer, alors c’est d’accord, je promets d’essayer de ne pas prendre trop de risques inconsidérés.

-Ce n’est pas vraiment convaincant.

-C’est un bon début.

L’orage sur son visage était fini, ses traits se détendirent, du dos de la main, elle effaça les sillons laissés par ses pleurs. Nous restâmes à nous regarder pendant de longues secondes, ce fut elle qui détacha son regard la première :

-Je pense que nous nous sommes tous assez reposés, il serait temps de sortir un peu, histoire de se changer les idées.

Elle rayonnait, la voir ainsi m’emplissait de joie, j’acceptai son idée avec enthousiasme et me levai à mon tour.
Dans la chambre, Le Faucon était déjà réveillé, assis dans une chaise, il attendait patiemment, comme il savait si bien le faire, s’occupant en lustrant son fusil de précision. Après avoir réveillé Anna qui dormait toujours à poings fermés, nous partîmes à la recherche d’un auteur acceptant de nous affronter. Il faisait presque nuit lorsque, voyant que nous cherchions un match, un jeune écrivain nous rejoignit :

-Je cherche moi aussi un adversaire, nous dit-il ; ça vous dit un deux contre deux ? au fait je ne me suis pas présenté, je m’appelle Christopher Paolini.








Notre nouvel adversaire nous guidait jusqu'à une arène en plein air, très étendue. Préférant laisser Anna de côté, elle ne semblait pas encore comprendre le but du travail d’équipe, Marie et Gabriel entrèrent pour combattre.
Prenant place devant l’adolescent leur faisant face, mes héros l’examinèrent attentivement. Celui-ci articula un mot dans une langue inconnue et soudain le sol se mit à trembler ; s’éloignant à toute vitesse de la faille qui se créait, ils ne purent distinguer l’ombre qui se profilait derrière eux. La nuit empêchait de voir clairement mais il me semblait avoir aperçu une énorme masse ailée. Pour l’heure, mes deux personnages tentaient de distancer le gouffre qui s’élargissait dans leur direction quand, sur une nouvelle exclamation de l’ennemi, une forêt poussa à toute vitesse autour d’eux. Après la terre, mes héros se trouvaient confrontés aux branches que les arbres, comme animés d’une énergie propre, envoyaient vers eux. Je devais réfléchir, si le livre de cet auteur me revenait en mémoire, alors il me serait possible de contrer son protagoniste. Voyons voir, Christopher Paolini, ce nom me disait quelque chose. Le livre avait fait un énorme succès, réfléchir, cela commençait par un « S »… non, plutôt un « E », oui, c’est cela. Je l’avais lu en plus. « Eragon » bien sûr !

-Brisingr !

Les arbres s’embrasèrent, mes personnages coincés à l’intérieur. Dix secondes de plus m’auraient suffi pour les aider. Trop tard pour se lamenter, à côté de moi, les livres de mes héros roussissaient par endroits. Tout à coup, les flammes furent soufflées par les battements d’ailes qu’effectuait une créature pour atterrir. Celle-ci attrapa mes personnages dans ses serres avant de décoller pour disparaître dans l’obscurité.

- On ne voit rien, s’énerva Anna près de moi. Il faut créer un éclairage, vite !

Je ne l’avais pas attendue pour le faire, au même moment, dans l’enceinte, des lampadaires ainsi que des spots lumineux sortaient de terre, allumant ciel et terre d’une lumière crue.
Ma guerrière et Gabriel planaient haut dans le ciel, enfermés dans les pattes de ce que l’on identifia à présent comme étant un dragon. Le reptile volant, ébloui par cette soudaine luminosité, lâcha ses proies qui, afin de ne pas s’écraser deux cents mètres plus bas, s’accrochèrent de toutes leurs forces aux griffes. Bien que les écailles n’y soient pas favorables, ils durent escalader, à la seule force de leurs bras, les membres du monstre ailé pour se hisser jusqu'à son dos.
Loin de se laisser faire, Saphira (car il s’agissait sûrement d’elle), plongeait en piqué, effectuait des loopings vertigineux et enchaînait des vrilles à une allure folle. Rien à faire, les gêneurs tenaient bon. Lors d’un passage au ras du sol, cependant, Le Faucon fut frappé de plein fouet par la queue du dragon et éjecté violemment à plusieurs mètres de là, stoppé par un arbre a moitié calciné. Se relevant très péniblement, il sortit son fusil de précision, s’agenouilla, visa…et finit par renoncer, sa cible bougeait beaucoup trop et il risquait de toucher sa partenaire. Ayant atteint le dos de la créature, ma guerrière dégaina ses cimeterres et frappa, transperçant aisément les écailles pourtant solides. Un rugissement guttural résonna pendant plusieurs secondes, atterrissant en catastrophe, la bête s’ébroua de plus belle pour expulser l’intrus. Espérant que mon héroïne comprendrait mon intention, je changeai ses armes en longs pieux métalliques.

« Voyant que Gabriel ne pouvait tirer, Marie décida de se servir des piques en sa possession pour immobiliser son adversaire».

Ainsi cloué au sol, le sniper put plus facilement viser le monstre qui gémissait de plus belle. L’unique balle tirée atteignit le crâne du dragon qui s’effondra. L’adolescent, sûrement Eragon, avait observé la scène sans pouvoir intervenir et se retrouvait seul face à ses deux adversaires, il ne se découragea pas et, laissant de côté les incantations magiques, sortit une magnifique épée. Le reflet des torches dansait sur sa lame, il s’agissait véritablement d’une belle œuvre à côté de laquelle les cimeterres de Marie paraissaient presque laids. C’est là qu’Anna me fit remarquer :

-Euh… Emmanuel. Marie n’a plus d’arme.

Trop tard, le bretteur était sur elle ; contraint à l’esquive, mon personnage se pliait, virevoltait, bondissait pour éviter cette lame qui à plusieurs reprises faillit réussir à l’empaler. Mon cerveau tournait à une vitesse phénoménale, il fallait une arme et malgré l’urgence de la situation, je ne parvenais pas à me résoudre à une simple épée. Appelez cela comme vous voulez, sens artistique ou T.O.C, il n’empêche qu’il m’était impossible de négliger le moindre détail. Finalement, mon choix se porta sur une grande barre de fer achevée à chaque extrémité d’une lame d’environ trente centimètres. Terminant les derniers points esthétiques (totalement inutiles vu la situation), la création intervint juste à temps pour stopper un coup que la guerrière n’aurait pas pu éviter. N’étant pas habituée à se battre avec cela, elle campa encore un moment en défense avant de mener une attaque fulgurante quoique peu efficace.
Certes ses assauts se faisaient à une vitesse soutenue, mais les grands moulinets qu’effectuait l’arme n’intimidaient guère le dragonnier qui contrait avec une aisance décourageante. L’héroïne tenta n’importe quoi : coups à la tête, au buste, au bassin, faucher les jambes, en vain, son inexpérience avec cet armement rendait chaque tentative caduque.
Conscient qu’à cette allure, Marie finirait par perdre, je me voyais obligé de modifier son arme, Le bâton fondit en deux longs Kriss. Plus libre dans ses mouvements, jusque là perdante, elle reprit du poil de la bête. Elle s’accroupissait, pivotait, se contorsionnait tout en menant des offensives de plus en plus osées et virevoltantes.
Son adversaire suivait avec difficulté le rythme imposé par cette danseuse mortelle. Lors d’un coup de taille trop fort, Eragon, entraîné par le poids de son épée, offrit à la saltimbanque macabre l’occasion qu’elle attendait, ce fut la dernière erreur du dragonnier. Marie saisit le poignet tendu tenant l’arme et appuya sur la veine afin de lui faire lâcher. Puis, elle leva sa jambe pour la poser au niveau de l’épaule de l’ennemi.
Dans cette position, Eragon ne pouvait qu’implorer mon héroïne de le laisser, mais celle-ci n’écoutait pas et tirait en arrière. Elle ne s’arrêta que quand le bras fut complètement démantibulé. Affaissé au sol, le blessé déclara bien haut et bien fort son abandon, mais son cri fut recouvert par un grondement guttural ; avant d’avoir pu tourner la tête, l’héroïne fut balayée par une gigantesque queue écailleuse qui l’envoya rouler à plusieurs mètres de là, inconsciente. Saphira s’était redressée de toute sa hauteur, la balle avait dû simplement ricocher sur sa carapace d’écaille.
Le retour de son compagnon rendit courage à Eragon, lequel profita de l’occasion pour soigner son bras ; l’acte le conduisit au bord de l’évanouissement. En titubant, il rejoignit sa monture et se hissa dessus. Tout cela s’annonçait mal pour Gabriel qui, dernier de mes combattants, devait venir seul à bout de ses deux adversaires. Troquant son fusil sniper contre ses deux pistolets, le faucon se réfugia derrière un reste de souche calciné pour éviter les flammes que venait de cracher le dragon. Le maigre abri ne tint que quelques secondes pour finalement se désintégrer totalement ; ainsi à découvert, le tireur d’élite tira plusieurs coups de feu tout en cherchant une autre cachette. Avant d’avoir pu en trouver une, les Paoliniens lancèrent une nouvelle déferlante

« De nouveau submergé par les flammes, Gabriel se recroquevilla derrière son manteau ignifugé, ce qui lui permit de se soustraire au feu, pour au moins quelques minutes, le temps de trouver une solution »

Mon héros ainsi protégé, je m’activai afin de trouver une solution.

« Bellérophon tua la chimère en lui enfonçant dans la gueule une flèche de fer, celle-ci fondit au contact du feu et brûla la créature de l’intérieur. Si seulement je disposais moi aussi de quelque chose dans le genre. Malheureusement mes balles ne l’atteignaient pas. »

La phrase apparut d’elle-même dans le cahier de mon personnage, au milieu des petites brûlures qui se formaient en plusieurs endroits de la page. Il s’agissait des pensées de Gabriel.
Sans plus chercher comment cela s’était produit, je m’empressai de modifier l’équipement du sniper. Je remplaçai ses deux Beretta contre un nouveau fusil de précision doté de balles chemisées en fer. Le héros n’attendit pas pour l’utiliser, à peine la description fut-elle finie qu’un coup de feu retentit, puis un deuxième. Le titanesque reptile hurla de douleur et se cabra. Le faucon avait atteint la bête en plein buste, pénétrant profondément la chair, d’ailleurs peu écailleuse à cet endroit. Deux nouvelles détonations achevèrent Saphira qui s’écroula. Son cavalier fut désarçonné dès la première ruade. Encore très faible, le jeune dragonnier déclara forfait, se sachant dans l’impossibilité de lutter dans son état. Son auteur choisi la même chose et l’arène se rouvrit aussitôt.

- L’auteur Emmanuel passe à la 620ème place, bravo. Christopher Paolini rétrograde à la 235ème place, dommage.

Comme je l’imaginais, mon adversaire était assez haut dans le classement, rien d’étonnant. Pour une fois, aucun spectateur n’applaudit, pour une raison simple, la nuit et le froid avaient eu un effet répulsif sur tous les curieux. Après être allé chercher Marie qui n‘avait pas repris conscience, Gabriel sortit de la cage et déposa mon héroïne dans mes bras. Nous rejoignîmes nos appartements ; là, il refusa que je le soigne en premier.