mercredi 19 novembre 2014

calme avant la tempete

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La veille de l’affrontement final, les serveurs nous distribuèrent à tous du règlement que nous nous empressâmes de lire :

« Avis à tous les participants, Le concours débutera demain à 12h pile et finira lorsque qu’il ne restera plus qu’un participant. Chaque joueur éliminé devra sortir de la zone en brandissant un drapeau blanc afin de montrer aux autres joueurs que vous n’êtes plus en course. Il est cependant autorisé, si vous perdrez un héros ou s’il est blessé, de le soigner, vous devrez dans ce cas rester à votre emplacement durant deux heures avant de reprendre part au combat. Pendant ce laps de temps vous pourrez bien sûr être attaqués. Il vous est bien sûr possible d’attaquer directement les auteurs afin de les mettre hors jeu, toute alliance est possible, souvenez-vous cependant qu’il n’y aura qu’un gagnant. La possibilité d’abandonner est évidemment possible, vous devrez alors sortir de la zone de combat. »



Il y avait au verso de la feuille un plan assez détaillé de l’arène dans laquelle nous devrons nous battre. Je tressaillis en découvrant que, non seulement elle regroupait tous les types de terrains naturels possibles : mers, déserts, forêts denses, glaciers, montagnes rocheuses, plaines, hauts plateaux, vallées, plages, mais aussi car elle était, comme vous l’aurez sans doute compris, immense !
D’après l’échelle de grandeur, elle s’étendait sur un rectangle d’environ 200km de longueur et presque le double en largeur, certes nous étions des centaines, même des milliers désormais car il en arrivait chaque jour des nouveaux, mais tout de même. Vu la composition de mon groupe, certains terrains comme les montagnes étaient assez avantageux, à condition d’être celui qui tire et non l’inverse.
Des questions plein la tête, nous partîmes manger. Là, après avoir fini nos assiettes, nous choisîmes à l’unanimité de nous diriger dès le début du combat vers la montagne. D’autres auteurs décideraient aussi de prendre cette direction, il ne fallait donc pas traîner afin d’arriver en premier.
Aucun duel ne se fit pendant le reste de la journée, personne ne se souciait plus du classement et ne se concentrait plus que sur la tactique à adopter le lendemain. Même le soir, les tables du salon ne se désemplissaient pas.
Inconsciemment, j’avais adopté le rythme de ce monde et dès que les derniers rayons du jour disparurent derrière les titanesques murs de pierre, je partis me coucher. Une interrogation restait, où se déroulerait la guerre ? Certainement hors de l’enceinte du bâtiment, cela serait la première fois que je verrai ce qui se trouve après ces murs immenses. La question s’en alla lorsque le sommeil m’emporta.
.Alors que je dormais profondément, rêvant que je gagnais la bataille, une main me secoua doucement, me sortant finalement de mon sommeil. Marie ne dormait pas, debout près de moi, elle me secoua de plus en plus fort :

-Quoi, grognai-je, qu’est ce qu’il y a ?

-J’ai peur.

-Tain…Tu ne peux pas avoir peur la journée ?

-J’ai peur pour demain !

-Ha. T’en fais pas, on va gagner. Maintenant dors !

Même si je ne les pensais pas vraiment, j’espérais qu’elles la rassureraient un peu.

-Mais si tu perds, on disparaît tous, glapit-elle.

-Raison de plus pour ne pas perdre, et puis tu l’as bien vu, il est possible d’abandonner. Maintenant dors, on verra ça demain !

Je me retournai dans mon fauteuil, mettant ainsi fin à toute discussion, cherchant de nouveau à m’endormir, j’entendis mon héroïne sangloter ; peut-être était-elle un peu trop sentimentale.
Je me levai, titubai jusqu’au lit, enjambai Anna endormie et me couchai près de Marie. Celle-ci se pelotonna immédiatement contre moi et enfouit sa tête dans ma poitrine. Je caressais délicatement ses cheveux, tentais d‘estomper sa tristesse et de calmer ses sanglots en prononçant des paroles réconfortantes.
Mon esprit étant engourdi par le sommeil, mes souvenirs concernant ce qui allait se passer sont assez embrouillés, je ne garantis donc pas la véracité de mes prochaines phrases.
Il me sembla pourtant que Marie finit par s’apaiser. Relevant la tête vers moi elle s’approcha, je distinguai, à la lumière blafarde de la lune, les sillons humides laissés par ses larmes. Ses beaux yeux dorés étaient plantés dans les miens, ses lèvres touchèrent les miennes, il me sembla qu’elle enroulait ses bras autour de moi et nous nous embrassâmes un long moment.
Je passais mes doigts dans sa chevelure, prenais sa tête dans mes mains, la serrais contre moi, recherchais ses lèvres, et les embrassais avec passion.
Quand notre étreinte se termina, elle ne pleurait plus, sur son visage, une expression de calme remplaçait désormais le chagrin. Après avoir déposé un dernier baiser sur mon front, nous nous couchâmes, et elle se blottit dans mes bras et s‘endormit. Je restai encore un moment à la regarder avant de sombrer à mon tour dans un sommeil troublé.
Je fus encore une fois le dernier à me réveiller. Seul dans la chambre, je m’habillai et me lavai en vitesse pour rejoindre le salon des modifications. Malgré la cohue, je retrouvai assez vite mes personnages, dégustant un délicieux petit déjeuner composé de tartines au miel, de chocolat chaud, de crêpes et d’une dizaine de pots de confiture. 
Mes pensées n’étaient pas très claires quant à ce qui s’était passé durant la nuit : avais-je réellement embrassé Marie ou était-ce un simple rêve ? L’attitude de ma guerrière me répondit à sa place, elle fuyait mon regard et, quand je parvenais à le croiser, ses joues s’empourpraient, cela s’était bel et bien passé. L’idée de l’avoir embrassée ne me dérangeait pas le moins du monde, Marie ne ressentait pas exactement la même chose, elle était gênée et attendrait la première occasion pour se justifier, je l’avais écrite comme cela.
Le sentiment d’aimer un personnage que l’on a soi-même inventé était, selon moi, bien plus troublant qu’un simple baiser, mais je ne doutais pas que la chose se soit déjà produite à plusieurs reprises dans ce monde.


Une fois repus, nous nous rendîmes au « parc » afin de profiter des dernières heures de tranquillité. Le papier distribué hier précisait que les serveurs viendraient nous chercher une demi-heure avant le début. Le soleil annonçait une belle journée en perspective et même à cette heure la température frôlait les 20°C et l’air était très pesant, tout ce que je détestais en bref. Enervé par cette chaleur, je sortis une feuille blanche et créai une brise fraîche.
Surpris par ce courant d’air soudain, certains auteurs protestèrent, bien vite. En réponse à leurs grommèlements je forcis encore le vent. A partir de là, chacun créa son propre microclimat et nous nous lançâmes dans une compétition météo.
Une jeune femme d’origine marocaine s’entoura d’une zone de sable fin où régnait une chaleur accablante, un autre fit apparaître un nuage noir qui ne tarda pas à exploser en un véritable déluge. Le jeu dura une bonne heure et, à la fin, le gazon avait fait place à des carrés plus ou moins grands dans lesquels chaque écrivain réglait le temps sur mesure.
J’étais cependant le seul à avoir installé un climat arctique ; le sol, couvert de glace, était fouetté d’un blizzard glacial et quelques blocs de glace se formaient ici et là.
Voilà mon temps idéal, une étendue gelée dans laquelle il ferait entre 10 et 0°, Mes héros n’étaient cependant pas du même avis et je dus faire fondre ma neige afin qu’ils n’attrapent pas une pneumonie.

-On peut aussi aller au glacier plutôt qu’à la montagne, railla Anna. Qu’est-ce que tu en dis, Marie ?

L’interrogée rougit à nouveau.

- Elle ne va pas bien ?

-La nuit a été spéciale, répondit Gabriel.

Il me semblait bien qu’il était au courant. Ne dormant pas beaucoup, il devait être réveillé lorsque nous nous étions embrassés. Consciente que quelque chose lui échappait, Anna exigea d’être mise au courant.

-Pas question, balbutia Marie en s’empourprant de plus belle.

-Mais je veux savoir !

-C’est…c’est personnel.

La curieuse la jaugea de la tête aux pieds avant de s’exclamer :
-C’est un problème de fille ! C’est ça ? Tu peux me le dire. Allez !

Face au refus de Marie, Anna se mit à bouder, comme une gamine et pour la première fois depuis que je l’avais créé, le faucon rit et ne s’arrêta que quand elle se jeta sur lui en le renversant. Ils agissaient comme un père agirait avec son enfant. Se chamaillant en riant, ils ne s’arrêtèrent que quand un serveur vint nous chercher pour nous emmener, jusqu'à une gigantesque salle. Par rapport, le salon était minuscule, un nombre incalculable de personnes et de personnages attendaient, debout, impatients, inquiets. Finalement, après une attente qui nous parut interminable, un haut parleur grésilla avant d’annoncer :

-Bienvenue aux concurrents, le début du combat va bientôt commencer, à mon signal, le mur face à vous disparaîtra et vous partirez où vous voulez, sachez que pour des raisons évidentes, il est interdit de s’attaquer pendant les quatre premières heures. La zone d’affrontement contient de nombreuses sources d’eau potable, des animaux sauvages en tout genre, des arbres fruitiers ainsi que d’autres ressources alimentaires afin que vous puissiez vous nourrir. Créer se propre nourriture est bien évidemment possible et d’ailleurs fortement recommandé.

Je repensais soudain à mon hamburger vivant, mauvais souvenir.

-Il n’y a aucune limite de temps, pour information, lors de la dernière épreuve, cela avait duré environ 12 jours. Vous êtes actuellement 25 527 participants répartis dans quelques vingtaines de salles comme celle-ci, oui, cela fait beaucoup, mais il n’y aura qu’un seul gagnant. Le règlement ne stipule pas que vous devez revenir en vie, aussi, si vous le souhaitez, vous pourrez tuer directement vos adversaires sans craindre de sanction. En parlant de sanctions, il est interdit : de saboter les livres des autres ou de les voler ; de torturer ; d’attaquer une personne se rendant ou portant un drapeau blanc. Bien, je crois que tout est dit, dorénavant, vous êtes tous ennemis, oubliez vos amitiés ou abandonnez. Avant de vous quitter, n’oubliez pas ce que gagne le vainqueur, certains sont au courant mais je vais le répéter pour les nouveaux, le vainqueur pourra voir ses héros prendre vie dans le monde réel.


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