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La veille de
l’affrontement final, les serveurs nous distribuèrent à tous du
règlement que nous nous empressâmes de lire :
« Avis
à tous les participants, Le concours débutera demain à 12h pile et
finira lorsque qu’il ne restera plus qu’un participant. Chaque
joueur éliminé devra sortir de la zone en brandissant un drapeau
blanc afin de montrer aux autres joueurs que vous n’êtes plus en
course. Il est cependant autorisé, si vous perdrez un héros ou s’il
est blessé, de le soigner, vous devrez dans ce cas rester à votre
emplacement durant deux heures avant de reprendre part au combat.
Pendant ce laps de temps vous pourrez bien sûr être attaqués. Il
vous est bien sûr possible d’attaquer directement les auteurs afin
de les mettre hors jeu, toute alliance est possible, souvenez-vous
cependant qu’il n’y aura qu’un gagnant. La possibilité
d’abandonner est évidemment possible, vous devrez alors sortir de
la zone de combat. »
Il y avait au verso de la
feuille un plan assez détaillé de l’arène dans laquelle nous
devrons nous battre. Je tressaillis en découvrant que, non seulement
elle regroupait tous les types de terrains naturels possibles :
mers, déserts, forêts denses, glaciers, montagnes rocheuses,
plaines, hauts plateaux, vallées, plages, mais aussi car elle était,
comme vous l’aurez sans doute compris, immense !
D’après l’échelle
de grandeur, elle s’étendait sur un rectangle d’environ 200km de
longueur et presque le double en largeur, certes nous étions des
centaines, même des milliers désormais car il en arrivait chaque
jour des nouveaux, mais tout de même. Vu la composition de mon
groupe, certains terrains comme les montagnes étaient assez
avantageux, à condition d’être celui qui tire et non l’inverse.
Des questions plein la
tête, nous partîmes manger. Là, après avoir fini nos assiettes,
nous choisîmes à l’unanimité de nous diriger dès le début du
combat vers la montagne. D’autres auteurs décideraient aussi de
prendre cette direction, il ne fallait donc pas traîner afin
d’arriver en premier.
Aucun duel ne se fit
pendant le reste de la journée, personne ne se souciait plus du
classement et ne se concentrait plus que sur la tactique à adopter
le lendemain. Même le soir, les tables du salon ne se
désemplissaient pas.
Inconsciemment, j’avais
adopté le rythme de ce monde et dès que les derniers rayons du jour
disparurent derrière les titanesques murs de pierre, je partis me
coucher. Une interrogation restait, où se déroulerait la guerre ?
Certainement hors de l’enceinte du bâtiment, cela serait la
première fois que je verrai ce qui se trouve après ces murs
immenses. La question s’en alla lorsque le sommeil m’emporta.
.Alors que je dormais
profondément, rêvant que je gagnais la bataille, une main me secoua
doucement, me sortant finalement de mon sommeil. Marie ne dormait
pas, debout près de moi, elle me secoua de plus en plus fort :
-Quoi, grognai-je, qu’est
ce qu’il y a ?
-J’ai peur.
-Tain…Tu ne peux pas
avoir peur la journée ?
-J’ai peur pour
demain !
-Ha. T’en fais
pas, on va gagner. Maintenant dors !
Même si je ne les
pensais pas vraiment, j’espérais qu’elles la rassureraient un
peu.
-Mais si tu perds, on
disparaît tous, glapit-elle.
-Raison de plus pour ne
pas perdre, et puis tu l’as bien vu, il est possible d’abandonner.
Maintenant dors, on verra ça demain !
Je me retournai dans mon
fauteuil, mettant ainsi fin à toute discussion, cherchant de nouveau
à m’endormir, j’entendis mon héroïne sangloter ;
peut-être était-elle un peu trop sentimentale.
Je me levai, titubai
jusqu’au lit, enjambai Anna endormie et me couchai près de
Marie. Celle-ci se pelotonna immédiatement contre moi et
enfouit sa tête dans ma poitrine. Je caressais délicatement ses
cheveux, tentais d‘estomper sa tristesse et de calmer ses sanglots
en prononçant des paroles réconfortantes.
Mon esprit étant
engourdi par le sommeil, mes souvenirs concernant ce qui allait se
passer sont assez embrouillés, je ne garantis donc pas la véracité
de mes prochaines phrases.
Il me sembla pourtant
que Marie finit par s’apaiser. Relevant la tête vers moi elle
s’approcha, je distinguai, à la lumière blafarde de la lune, les
sillons humides laissés par ses larmes. Ses beaux yeux dorés
étaient plantés dans les miens, ses lèvres touchèrent les
miennes, il me sembla qu’elle enroulait ses bras autour de moi et
nous nous embrassâmes un long moment.
Je passais mes doigts
dans sa chevelure, prenais sa tête dans mes mains, la serrais contre
moi, recherchais ses lèvres, et les embrassais avec passion.
Quand notre étreinte se
termina, elle ne pleurait plus, sur son visage, une expression de
calme remplaçait désormais le chagrin. Après avoir déposé un
dernier baiser sur mon front, nous nous couchâmes, et elle se
blottit dans mes bras et s‘endormit. Je restai encore un moment à
la regarder avant de sombrer à mon tour dans un sommeil troublé.
Je fus encore une fois le
dernier à me réveiller. Seul dans la chambre, je m’habillai et me
lavai en vitesse pour rejoindre le salon des modifications. Malgré
la cohue, je retrouvai assez vite mes personnages, dégustant un
délicieux petit déjeuner composé de tartines au miel, de chocolat
chaud, de crêpes et d’une dizaine de pots de confiture.
Mes pensées n’étaient
pas très claires quant à ce qui s’était passé durant la nuit :
avais-je réellement embrassé Marie ou était-ce un simple rêve ?
L’attitude de ma guerrière me répondit à sa place, elle fuyait
mon regard et, quand je parvenais à le croiser, ses joues
s’empourpraient, cela s’était bel et bien passé. L’idée de
l’avoir embrassée ne me dérangeait pas le moins du monde, Marie
ne ressentait pas exactement la même chose, elle était gênée et
attendrait la première occasion pour se justifier, je l’avais
écrite comme cela.
Le sentiment d’aimer
un personnage que l’on a soi-même inventé était, selon moi, bien
plus troublant qu’un simple baiser, mais je ne doutais pas que la
chose se soit déjà produite à plusieurs reprises dans ce monde.
Une fois repus, nous
nous rendîmes au « parc » afin de profiter des dernières
heures de tranquillité. Le papier distribué hier précisait que les
serveurs viendraient nous chercher une demi-heure avant le début. Le
soleil annonçait une belle journée en perspective et même à cette
heure la température frôlait les 20°C et l’air était très
pesant, tout ce que je détestais en bref. Enervé par cette chaleur,
je sortis une feuille blanche et créai une brise fraîche.
Surpris par ce courant
d’air soudain, certains auteurs protestèrent, bien vite. En
réponse à leurs grommèlements je forcis encore le vent. A partir
de là, chacun créa son propre microclimat et nous nous lançâmes
dans une compétition météo.
Une jeune femme d’origine
marocaine s’entoura d’une zone de sable fin où régnait une
chaleur accablante, un autre fit apparaître un nuage noir qui ne
tarda pas à exploser en un véritable déluge. Le jeu dura une bonne
heure et, à la fin, le gazon avait fait place à des carrés plus ou
moins grands dans lesquels chaque écrivain réglait le temps sur
mesure.
J’étais cependant le
seul à avoir installé un climat arctique ; le sol, couvert de
glace, était fouetté d’un blizzard glacial et quelques blocs de
glace se formaient ici et là.
Voilà mon temps idéal,
une étendue gelée dans laquelle il ferait entre 10 et 0°, Mes
héros n’étaient cependant pas du même avis et je dus faire
fondre ma neige afin qu’ils n’attrapent pas une pneumonie.
-On peut aussi aller au
glacier plutôt qu’à la montagne, railla Anna. Qu’est-ce que tu
en dis, Marie ?
L’interrogée rougit à
nouveau.
- Elle ne va pas bien ?
-La nuit a été
spéciale, répondit Gabriel.
Il me semblait bien qu’il
était au courant. Ne dormant pas beaucoup, il devait être réveillé
lorsque nous nous étions embrassés. Consciente que quelque chose
lui échappait, Anna exigea d’être mise au courant.
-Pas question, balbutia
Marie en s’empourprant de plus belle.
-Mais je veux savoir !
-C’est…c’est
personnel.
La curieuse la jaugea de
la tête aux pieds avant de s’exclamer :
-C’est un problème de
fille ! C’est ça ? Tu peux me le dire. Allez !
Face au refus de Marie,
Anna se mit à bouder, comme une gamine et pour la première fois
depuis que je l’avais créé, le faucon rit et ne s’arrêta que
quand elle se jeta sur lui en le renversant. Ils agissaient comme un
père agirait avec son enfant. Se chamaillant en riant, ils ne
s’arrêtèrent que quand un serveur vint nous chercher pour nous
emmener, jusqu'à une gigantesque salle. Par rapport, le salon était
minuscule, un nombre incalculable de personnes et de personnages
attendaient, debout, impatients, inquiets. Finalement, après une
attente qui nous parut interminable, un haut parleur grésilla avant
d’annoncer :
-Bienvenue
aux concurrents, le début du combat va bientôt commencer, à mon
signal, le mur face à vous disparaîtra et vous partirez où vous
voulez, sachez que pour des raisons évidentes, il est interdit de
s’attaquer pendant les quatre premières heures. La zone
d’affrontement contient de nombreuses sources d’eau potable, des
animaux sauvages en tout genre, des arbres fruitiers ainsi que
d’autres ressources alimentaires afin que vous puissiez vous
nourrir. Créer se propre nourriture est bien évidemment possible et
d’ailleurs fortement recommandé.
Je repensais soudain à
mon hamburger vivant, mauvais souvenir.
-Il n’y a
aucune limite de temps, pour information, lors de la dernière
épreuve, cela avait duré environ 12 jours. Vous êtes actuellement
25 527 participants répartis dans quelques vingtaines de salles
comme celle-ci, oui, cela fait beaucoup, mais il n’y aura qu’un
seul gagnant. Le règlement ne stipule pas que vous devez revenir en
vie, aussi, si vous le souhaitez, vous pourrez tuer directement vos
adversaires sans craindre de sanction. En parlant de sanctions, il
est interdit : de saboter les livres des autres ou de les
voler ; de torturer ; d’attaquer une personne se rendant
ou portant un drapeau blanc. Bien, je crois que tout est dit,
dorénavant, vous êtes tous ennemis, oubliez vos amitiés ou
abandonnez. Avant de vous quitter, n’oubliez pas ce que gagne le
vainqueur, certains sont au courant mais je vais le répéter pour
les nouveaux, le vainqueur pourra voir ses héros prendre vie dans le
monde réel.
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