lundi 18 août 2014

Anna



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ELLE aura 17ans, 1mètre 75, une silhouette élancée, un corps magnifiquement sculpté à la musculature fine, des cheveux mi-courts châtains, ébouriffés, un visage harmonieux, des pommettes hautes, des yeux verts, une bouche en cœur, un sourire enjôleur. Jalouse, protectrice, susceptible, belliqueuse, suspicieuse, un brin autoritaire, faisant difficilement confiance, voilà à peu près les principaux traits de son caractère.
Originaire des ghettos de l’ex Paris, rebaptisés « usine 6 » aux alentours de l’année 2200, elle apprit à se battre dès son plus jeune âge. Le combat faisait partie de sa vie, d’autant plus que dans les quartiers il n’y avait pas vraiment autre chose à faire ; le respect, l’autorité, tout s’obtenait par les affrontements. Son agilité et ses talents de combattante lui valurent d’être souvent désignée pour effectuer les missions d’assassinat qui nécessitaient une grande discrétion, et ses atouts physiques en firent une espionne très efficace, surtout auprès des gangs dont le chef était un homme.
Elle avait toujours mené à bien ses missions. Il lui fallait aussi un nom, voyons voir, Anna, oui, elle se nommerait Anna. Il ne restait plus qu’une petite introduction dans ce monde. « Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Anna était encadrée par deux inconnus. Le premier, un grand type au visage sévère la lorgna du coin de l’œil avant de se replonger dans son assiette de pâtes. L’autre en revanche la fixait, immobile. Ne les laissant pas intimider, Anna soutint son regard, plongeant ses yeux dans les siens. La confrontation durant bien plusieurs minutes, aucune des deux ne sourcilla. »



Je m’attardai sur encore sur quelques petits détails avant d’observer le résultat ; assise sur une chaise, elle continuait son duel avec Marie, les deux femmes se toisaient durement, se concentrant pour ne pas détourner, ne serait-ce qu‘une seconde, leur regard.
Je me levai et me plaçai entre elles, les obligeant à cesser leur duel. Mon attention se porta sur ma nouvelle héroïne, je ne pensais pas l’avoir faite si voluptueuse, sa poitrine était serrée dans une tenue de cuir moulante, une bouche sensuelle et un regard envoûtant venaient compléter le tableau, et rester là à la regarder tenait presque de la torture physique. Elle présentait, tout comme Marie, un physique avantageux dont je ne l’avais pas volontairement pourvue. Elle était magnifique certes, mais peut-être un poil trop affriolante et ne ressemblait pas vraiment à une combattante censée s‘être battue pour survivre, enfin, je n‘allais pas m‘en plaindre, loin de là….Je réduirais tout de même son tour de poitrine ainsi que sa tenue vestimentaire afin qu‘elle ne ressemble plus à une cowgirl.
Une fois les présentations terminées, un rendez-vous s’imposait, rendez-vous dont je me serais bien passé : la correction. Aucun de nous n’avait envie de retrouver ces héros effrayants, seule la nouvelle restait calme, ne sachant pas encore à quoi s’attendre. Bien que cela paraisse très lâche, lorsque l’infirmier nous demanda si nous désirions attendre dans une autre salle, Gabriel, Marie et moi nous empressâmes d’accepter, laissant Anna seule face à ces monstres.


Cette fois, l’entretien ne dura que quelques minutes, après quoi l’héroïne ressortit, une dague à la main, elle affichait une expression dure.

-Ne t’avise plus jamais de m’envoyer avec des types comme eux, lâcha-t-elle, ou cela risque de très mal se passer pour toi.

Je me risquai à glisser un coup d’œil dans la salle de correction, les corps des deux correcteurs gisaient par terre, un bras à aiguilles était planté dans un mur tandis qu’une dizaine de bouches ornées de crocs acérés couvraient le corps inerte de l’un d’eux. Horrifié, je m’apprêtais à sermonner Anna, mais le regard noir qu’elle me jeta m’ôta toute envie de la réprimander.

-Ne vous en faites pas, nous rassura l’homme en blouse blanche, ce genre de chose arrive très fréquemment, beaucoup de héros ne supportent pas leur méthode.

Peu convaincu, je me résignai tout de même à oublier l’idée de faire corriger l’héroïne.



Notre nouvel objectif était de trouver un nouvel adversaire, histoire de voir comment la nouvelle se débrouillait. Pour une fois, nous dénichâmes rapidement un auteur acceptant un affrontement .Il nous mena dehors et désigna une zone de combat de taille impressionnante dont les limites restaient invisibles de là où nous nous trouvions.
Puis, à sa demande, mes trois personnages et moi-même nous engageâmes dans l’arène et nous préparâmes. Marie, ajustait sa tenue afin qu’elle ne limite pas ses mouvements, le faucon vérifiait son sniper ainsi que ses pistolets. Quant à la nouvelle, elle s’était assise en tailleur et observait ses compagnons, pensive, il ne me semblait pourtant pas lui avoir donné ce trait de caractère. Vérifiant tout de même dans son cahier, je ne trouvai aucune phrase justifiant son comportement, bien que je l’aie faite calculatrice, très rusée et capable d’effectuer des plans d’attaque compliqués, peut-être faisait-elle exprès d’affecter cette attitude afin de tromper ses futurs adversaires.

-Euh patron, ce n’est pas dans mes habitudes de me plaindre mais je ne suis pas sûre que l’endroit soit parfait pour moi.

En effet, nous nous trouvions au milieu d’un bosquet, pas vraiment l’endroit idéal pour un tireur d’élite.

-Il faudrait trouver un poste d’observation, nota Marie, ou un truc dans le genre .Anna, bouge un peu, tu ne seras pas de trop pour nous aider.

Celle-ci ne répondit pas ; observant attentivement le terrain, elle finit par pointer du doigt une colline surplombant les autres.

-Le faucon, articula-t-elle rapidement, tu te postes en haut et tu tires sur tous les ennemis que tu aperçois. Marie, tu défends la base, il ne faut pas que Gabriel se fasse attaquer. Moi, j’essayerai de les prendre à revers en faisant le tour. Quant à toi Emmanuel, tu montes avec Gabi et tu crées n’importe quoi pour nous défendre.

C’était la première fois que je prenais part au combat, vu la taille de l’arène, j’avais dû y entrer moi aussi afin de mieux voir ce qui se passerait. Marie voulait protester mais déjà nous étions partis, la colline n’était pas loin et nous y fûmes en quelques minutes. Une fois en haut, nous constatâmes qu’elle était le point le plus haut de la zone et que, au loin, une horde d’hommes armés patrouillaient à notre recherche - j’en dénombrai une dizaine- armés d’épées, d’arbalètes ou de lances.

-Gabriel, ordonnai-je, à toi de jouer.

Opinant en silence, il s’accroupit dans l’herbe grasse, arma son arme et visa. Toucher une cible en mouvement à cette distance était une tâche ardue, comme je le craignais, la première balle arriva au pied d’un des ennemis sans cependant le toucher. Le Faucon jura d’un ton rageur puis se remit en position .Effrayé par l’attaque, le groupe cherchait d’où provenait le tir et ne pensait même pas à se mettre à couvert, cette erreur grave coûta la vie à l’un d’entre eux qui, touché au thorax, s’effondra, un deuxième homme le suivit rapidement.
Ayant finalement repéré le tireur, l’un d’eux courut en arrière, sûrement pour prévenir ses camarades, qu’il avait trouvé leurs adversaires, quant aux autres, ils profitèrent de la protection d’un bosquet d’arbres non loin pour se protéger.

-J’y vais, annonça Anna.

-Mais ils sont bien plus nombreux que nous, objecta Marie, seul, tu ne pourras rien faire.

Ignorant encore une fois son interlocuteur, elle descendit la colline à toutes jambes et se mit en route, effectuant un large détour afin d’arriver dans le dos des guerriers. Il était temps pour moi d’organiser un peu mieux notre camp ; m’asseyant sur un rocher proche, j’entrepris de créer une petite muraille permettant au faucon ainsi qu’à Marie de se protéger au cas où des flèches, si flèches il y avait, arriveraient jusqu’ ici. Ce n’était certes pas grand chose mais, dans l’état actuel des choses, c’était la seule chose qui me paraissait utile. De leur côté, le petit groupe dissimulé dans le petit bois préparait aussi une défense rudimentaire, arrachant quelques branches pour fabriquer des abris de fortune. Je ne voyais Anna nulle part, à peine arrivé en bas de la colline, elle avait foncé parmi les arbres. Ma guerrière s’était assise par terre et semblait attendre de se rendre utile ; m’approchant, je m’assis à ses côtés.

-Qu’est-ce que tu fais ? Demandai-je, ça ne te ressemble pas de rester comme ça, seule, silencieuse.

Ma question ne parut pas l’atteindre. Alors que j’oubliais l’espoir d’une réponse, celle-ci arriva.

-Tu crois qu’on a une chance ? murmura-t-elle.

-Mais bien sûr, rétorquai-je, ne me dis pas que tu crains une horde de sauvages !

-Non, bien sûr. Mais la suite, la grande bataille, tu crois pouvoir gagner ?

Ne me sentant pas de lui mentir, je répondis franchement :

-Je ne crois pas, non. Des milliers d’auteurs vont se battre et bon nombre d’entre eux sont bien plus talentueux que ceux que l’on a vus jusqu'à présent. Mais j’espère tout de même tenir le plus longtemps possible, de toute façon, le moment est mal choisi pour douter, pour l’instant, occupons-nous de ce combat. Vu comme c’est parti, je sens que nous allons y passer un certain temps et tu vas avoir besoin de toute ta tête.

Tentant de la réconforter, j’entourai mon bras autour de ses épaules et, aussitôt, elle se blottit contre moi. Nous fûmes tirés de cette étreinte par Gabriel qui nous faisait signe de le rejoindre. Loin devant nous, là où était apparu le groupe d’éclaireurs, une véritable tribu se montra, composée d’une trentaine de personnes ; d’après ce que j’apercevais, tous étaient vêtus de tuniques légères, ils rejoignirent à toute vitesse le « bosquet-base », perdant sur le chemin quatre guerriers. Le faucon tirait avec une précision parfaite et, mis à part son premier coup, chaque tir se soldait par un ennemi de moins.

-Bon, dit Gabriel quand les ennemis furent hors de portée de tir, j’ai vu dans la troupe le gars qui vous a défié, patron.

- Appelle-moi Emmanuel, patron c’est marrant un moment.

-On est fichus, lâcha Marie, ils sont trop nombreux.

Sans lui répondre, je retournai m’asseoir sur ma pierre et commençai à créer toute une série de pièges basiques destinés à ralentir une éventuelle attaque ; des pièges à loups, des fosses et des rochers prêts à tomber apparurent au pied de notre camp. Que faisait Anna ? Je doutais qu’elle puisse abattre cette troupe à elle toute seule. Les heures s’écoulèrent sans que rien ne bouge; nos ennemis, regroupés dans leur camp, préparaient leur prochaine attaque. De notre côté, ma guerrière commençait à s’impatienter et je peinais à la convaincre de rester là à ne rien faire.

-Je tourne en rond, se plaignait-elle, la nuit va bientôt tomber et on n’a pas avancé d’un pouce !

En effet, le soleil descendait doucement dans le ciel, bientôt la nuit arriverait et les difficultés aussi. Finalement, au crépuscule, alors que l’astre solaire dessinait dans le ciel une flopée de couleurs, des cris retentirent, le bosquet s’anima, deux imprudents se risquèrent hors de la protection formée par le feuillage des arbres, ce qui leur fut fatal. Deux tirs, deux morts. Bientôt le calme revint et, lorsque le jour fit place à la nuit, on aurait dit que rien ne s’était passé, j’étais cependant persuadé qu’Anna était pour quelque chose à cette agitation. Ouvrant son cahier, je tressaillis en découvrant les pages parsemées de déchirures et de taches d’encre, mon héroïne était assez gravement touchée. Alors que les premières étoiles apparaissaient timidement dans le ciel, des gémissements nous parvinrent depuis le bas de notre colline. M’approchant doucement, je découvris Anna, gisant à terre, salement amochée. Avec l’aide de Marie, nous le remontâmes à l’abri avant de l’allonger avec précaution sur l’herbe.

-Qu’est ce qui s’est passé ?demandai-je.

-Pas grand-chose, j’ai essayé de m’infiltrer discrètement mais ça a un peu raté. Je pensais que chaque personne était un héros, mais en fait, tout cette armée n’est qu’un seul et même personnage, du coup, si l’on en tue un, les autres sont au courant.

-Patron !cria le faucon, ils sortent de tous les côtés !

C’était bien le moment ! Après m’être assuré que la blessé tiendrait le coup, j’ordonnai à Marie de descendre au pied du camp et d’éliminer quiconque tentait de passer. De mon côté, je commençai à créer des torches, disséminées sur tout le flanc de la colline et même après pour permettre au sniper d’avoir une visibilité correcte. Quand ce fut fini, je me plaçai derrière la muraille et observai la masse se dirigeant vers nous. Ils avaient déjà parcouru la moitié du chemin et s’apprêtaient à entrer dans la zone ou j’avais disposé mes pièges. Ne prenant pas la peine de réfléchir, beaucoup d’entre eux se firent avoir par les pièges à loup et les fosses à pieux. Malgré cela, il en restait encore une bonne trentaine et Gabriel eut beau tirer, leur nombre ne semblait pas diminuer ; ils marquèrent toutefois une pause face à la guerrière armée de cimeterres, étonnés sans doute de ne trouver qu’une garde.
Malheureusement, l’étonnement ne dura pas et, rapidement, ils repartirent à l’assaut, armes levées, en signe de défi, le premier à s’élancer fut stoppé net dans sa course : deux plaies sanglantes s’étaient ouvertes sur son ventre, et avant de s’être rendu compte de ce qu’il s’était passé, il tomba mort. Affolé face à cette adversaire qui leur semblait soudain plus terrifiante, le groupe décida d’attaquer à plusieurs, tentant d’encercler la combattante afin de l’assaillir de tous les côtés.
Au début, Marie n’eut aucune difficulté à parer les attaques, mais peu à peu, la fatigue se fit ressentir, ses gestes devinrent moins précis, ses coup moins puissants, ses déplacements moins vifs. Une première blessure s’ouvrit à son épaule droite puis une nouvelle à la cuisse, malgré les tirs incessants de Gabriel, mon héroïne finit par prendre la fuite.
Le combat se déroulerait donc ici, et je devrais également me battre pour survivre à cette horde. N’ayant aucune arme, j’attendais, effrayé, l’arrivée des ennemis. Mon attente ne fut pas longue, en moins de cinq minutes, les premiers poursuivants se montrèrent.
Marie courait à perdre haleine, sa blessure à la jambe l’empêchait de distancer ses adversaires. Peu à peu, son avance diminuait et dans quelques secondes, ils seraient sur elle.
Agissant instinctivement, mes jambes se mirent en mouvement, un cri rauque sortit de ma bouche, des chaînes de fer apparurent dans mes mains, chacune d’elles se terminait par une lame argentée. Je m’arrêtais à trois mètres des attaquants, fis tournoyer mes armes au-dessus de ma tète de plus en plus vite et les abattis en direction de la troupe. Deux cadavres s’effondrèrent, une lame profondément enfoncée dans leur corps. Je tirai sèchement sur les chaînes, afin de dégager les dagues, et de porter une nouvelle attaque ; un nouveau guerrier s’écroula.
La guerrière se retourna soudain, un ennemi tenta de la trancher en deux, son épée rebondit sur son bras sans y laisser la moindre trace : le tatouage divin constituait une bonne défense. Aussitôt, cette dernière contrattaqua violemment, ne laissant aucune chance au malheureux. Gabriel avait changé de technique. Après avoir déposé son sniper, il dégaina ses pistolets et tira dans le tas, il ne resta finalement de l’armée qu’un tas de cadavres.
Une lointaine sonnerie retentit, l’affrontement était enfin terminé. Extenués, nous regagnâmes le salon en silence, Gabriel soutenait Anna et je soutenais Marie. Comme de coutume, les tables étaient quasiment toutes occupées.
S’affalant sur une chaise, la blessée sombra presque immédiatement dans un profond sommeil, je commandai un effaceur et du scotch puis commençai à réparer le cahier bien amoché, ce qui eut pour effet de faire disparaître les lésions. Je savais qu’une question brûlait les lèvres de Marie mais fort heureusement, celle-ci attendit que j’en eus fini avec sa compagne pour m’interroger.

-Comment as-tu fait, demanda-t-elle froidement, d’où sors-tu ces armes, je ne t’ai pas vu les écrire pendant le combat.

En guise de réponse, je sortis du sac contenant mes affaires d’écriture un cahier sur lequel était écrit en gros le nom « Emmanuel ».Ouvrant de grands yeux étonnés, elle me demanda d’une voix hésitante :

-Tu n’as pas…je veux dire, ça, ce n’est pas…

-Si, la coupai-je, c’est moi, ce livre est ma description, ce qui signifie que je suis un de mes héros.

-Ingénieux, murmura Gabriel.

Marie, elle, n’était pas de cet avis. Se levant d’un bond, elle s’écria :

-Tu es complètement fou ! Si tu te faisais tuer, comment feras-tu, et comment ferons-nous ?

Je comprenais ses craintes, un auteur prenant directement part au combat avait plus de chance de se faire tuer, dans ce cas-là tous ses héros disparaîtraient, lui avec. Mais ma décision était prise, lors de la grande guerre, certains écrivains attaqueraient directement les auteurs, sachant que ce sont eux les plus faibles

-C’est trop tard, dis-je gravement, tu dois faire avec.

Considérant la discussion comme terminée, je me levai et retournai dans notre chambre. M’asseyant au bureau, je me « continuais », améliorant certains points, changeant complètement d’autres. Les lames accrochées aux chaînes gagnèrent en taille et en beauté ; je les dotai de reflets argentés, les chaînes elles-mêmes devinrent d’argent, brillant également, je renforçai également mes protections avec des plaques métalliques au niveau des parties exposées en combat.
Les idées fusaient dans ma tête, le flot ne tarissait pas, mais, finalement, rattrapé par la fatigue, je m’endormis sans avoir pu tout mettre à l’écrit. Une pensée me traversa : que faisais-je dans le monde réel ? Que s était-il passé depuis mon arrivée ici ?cette pensée s’en alla très vite ; quoi que je fasse sur Terre, c’était sans aucun doute moins intéressant que tout cela.







Anna

Le monde s’embourbait un peu plus chaque jour ; les villes cédaient leur place à d’immenses zones industrielles, les gouvernements parquèrent les populations dans des ghettos délabrés, bref, tout se barrait en couille de la pire manière qui soit. C’est dans cette ambiance du genre post-apocalyptique que vint au monde Anna, en l’an 2360
La vie était assez rude et élever un enfant devenait une véritable épreuve quotidienne, les vivres venaient quelquefois à manquer, les logements, et même tous les bâtiments existants, tombaient littéralement en ruine, et il arrivait que ces ruines tombent sur des gens, les maladies les plus graves avaient disparu mais celles qui subsistaient restaient mortelles pour un nouveau-né.
Anna savait courir avant même de savoir parler, en effet, lorsque l’on vole de la nourriture à quelqu’un, il est nécessaire de posséder de bonnes jambes et de savoir s’en servir. Avec ses deux sœurs, elle dormait là où le vent les menait, littéralement parlant puisque le quartier où elles étaient se trouvait être en bordure de la banlieue et donnait directement sur « le monde extérieur », une immense étendue aride où la terre sèche et craquelée ne portait aucune trace de végétation.
Le vent parcourait donc librement se désert qu’était l’extérieur, et de fortes bourrasques s’engouffraient entre les immeubles, amenant avec elles de nuages de poussière, le vent soufflait parfois tellement fort qu’il empêchait même les gens de faire un pas en avant, aussi les jeunes filles couchaient-elles là où les rafales ne pouvaient les atteindre.
Mis part ces détails, l’enfance d’Anna fut relativement normale, sa mère fut enlevée par les messagers de la mort lors d’une de leurs rafles, elle servait maintenant d’esclave à l‘armée gouvernementale. Quant à son père, la dernière fois qu’Anna le vit, il se portait très bien et courait à toute vitesse afin d’échapper aux mercenaires, laissant ses filles comme appâts afin de pouvoir s’enfuir.
Par la suite, la vie fut clémente envers les trois enfants Quand elle eut 12 ans, la plus grande des trois se fit remarquer par le chef de gang du quartier, lequel décida de les prendre, elle, Anna et son autre sœur, sous son aile. Il s’agissait d’un homme d’une trentaine d’années, au corps massif et qui dirigeait le quartier d’une poigne de fer. Ainsi, sous la tutelle d’Edmond, les enfants purent grandir en toute liberté ; nourries, logées et blanchies, elles n’eurent plus à voler pour subsister et ne s’inquiétaient plus de trouver un toit à l’abri du vent pour passer la nuit. Quand elle eut à son tour 12 ans, Anna se battait déjà contre des garçons plus âgés et finissait toujours vainqueur. Avec les années, son style continua de s’améliorer, mais son talent pour le combat ne fut pas la seule chose à se développer. Son corps devenait peu à peu celui d’une femme, ses traits s’affinèrent, ses pommettes hautes mettaient en valeur ses grands yeux verts, sa chevelure châtain et sa bouche en cœur finissaient de rendre son visage irrésistiblement beau. Au contraire de ses sœurs, qui héritèrent de mensurations plus que généreuses, Anna développa une poitrine moins opulente mais sublimement galbée et de jambes longues et élégantes. Ses combats quotidiens l’avaient dotée d’une musculature fine qui n’enlevait rien à son charme.
Evidemment, avec un tel physique, elle fut très tôt choisie pour exécuter des missions d’infiltration auprès des gangs adverses. D’abord hésitante, Anna se prit au jeu d’espionne et mit au point des techniques de collecte d’informations extrêmement efficaces, et quand les choses tournaient mal, généralement à cause des femmes des quartiers infiltrés, elle pouvait compter sur sa maîtrise du corps à corps pour venir à bout de ses adversaires.
De manière générale, Anna affichait toujours un sourire enjoué et un regard pétillant de vie, elle se comportait comme une enfant, ce qui lui valut le surnom affectif d’éternelle « gamine ». Mais cette attitude constituait un masque qui cachait une personnalité plus complexe ; en vérité, Anna se trouvait être extrêmement méfiante, démesurément jalouse et protectrice et également très susceptible. Gagner sa confiance tenait de l’exploit, et si quelque chose ne lui convenait pas, elle n’hésita pas à rapidement en venir aux mains. Parfaitement consciente de ses atouts, elle n’hésitait pas à en jouer plus que nécessaire et prenait un malin plaisir à séduire les hommes qui l’entouraient. À l’âge de vingt ans, Anna était connue sous le surnom de « l’amante » et même si sa réputation de croqueuse d’hommes la précédait, ses cibles tombaient toujours dans ses filets et elle parvenait presque toujours à accomplir ses missions.
Après l’assassinat d’Edmond, la sœur d’Anna devint la nouvelle chef du quartier et fit de sa petite sœur son bras droit. Cette promotion acheva d’élever Anna au rang de légende vivante, et dans les factions alentour, le nom de l’amante était associé à une combattante hors pair dont la férocité n’avait d’égal que sa beauté.









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