jeudi 21 août 2014

le roi des voleurs

Anna se trouvait dans un étroit couloir qui bifurquait à une dizaine de mètres, l’autre héros n’était pas là, pourtant ils étaient rentrés à quelques secondes d’intervalle, avait-il déjà pris de l’avance ? Si tel était le cas, alors mieux valait se dépêcher. L’assassine marcha dans la seule direction qui lui était permise. Quelques pas après la bifurcation, l’héroïne se trouva face à une large porte de bois noir. Sans prendre de précautions, elle tourna la poignée :

-Qui va là ?

La voix provenait de l’autre côté du battant, une voix dure et forte. Face à l’absence de réponse, le garde ouvrit violemment la porte.
Mon personnage, tenant toujours la poignée, fut emporté par la force du gardien et le percuta de plein fouet ; l’homme tituba, surpris de la présence de la jeune femme ainsi que du coup qu‘il venait de recevoir. L‘Amante, tout aussi surprise, se releva d’un bond et fondit sur son ennemi, se glissant dans son dos, elle lui assena un coup sec dans la nuque.
Son combat terminé, elle prit le temps d’observer la pièce dans laquelle elle se trouvait ; en plus de celle se trouvant derrière elle, deux autres portes donnaient sur deux nouveaux corridors. Un lourd lustre pendait au plafond, les meubles en bois précieux richement sculptés et les tapis couvrant le sol indiquaient qu’il s’agissait bien d’un manoir et que son propriétaire devait posséder une fortune immense.
Ne se souciant guère du faste de la salle, l’héroïne poursuivit son chemin, optant au hasard pour la porte à sa droite, de nouveau un couloir la mena dans une grande salle qui, cette fois, ne possédait aucun vigile. Encore une fois deux chemins s’offraient à Anna, elle choisit de continuer tout droit. Les salles s’enchaînèrent, parfois gardées et parfois non, après un quart d’heure de recherche infructueuse, l’assassine s’autorisa une pause et s’affala dans un long canapé de soie rouge. Toutes les pièces se ressemblaient et le sentiment de tourner en rond la tenaillait. Pour se rassurer, avant de reprendre sa recherche, l’héroïne grava une croix sur un des murs, une trace bien visible qui lui permettrait de reconnaître l’endroit si jamais elle revenait. Elle s’apprêtait à repartir quand une porte s’ouvrit, Arsène Lupin entra, marchant tranquillement, sa canne accrochée à son bras, bien droit, sans faire aucun effort de discrétion. Le voleur admirait le mobilier et ne remarqua pas tout de suite la jeune femme qui l’observait, atterrée par son insouciance.

-Tiens! S’exclama-t-il en prenant enfin conscience de sa présence. Mais voilà donc ma chère adversaire.

Il s’inclina respectueusement et retira son chapeau.

-Ne trouvez vous pas ce bâtiment fort bien décoré, jeune demoiselle ? Je n’ai pas encore eu le plaisir de tomber sur le masque mais je dois avouer que je me contenterais bien de quelques –unes de ces toiles qui ornent les murs.

Anna ne répondait pas, elle gardait les mains crispées sur ses armes, détail qui n’échappa pas à Lupin.

-Voyons très chère, ne soyez pas si tendue, je ne désire aucunement me battre.

Rien n’y faisait, elle refusait de baisser sa garde.

-Si vous continuez ainsi, je devrais moi aussi me préparer au combat, chose que je ne désire pas particulièrement.

Finalement l’amante rengaina ses dagues et s’avança vers l’homme d’une démarche chaloupée.

-Effectivement, il s’agit d’un bien bel endroit.

Elle continuait de se rapprocher, posant sur Lupin ses grands yeux verts. Son regard envoûtant charma le voleur.

-Quelle grâce, j’ai peine à croire qu’une aussi belle femme que vous se batte !

Et, mettant un genou à terre, il lui baisa la main.

-Les femmes sont bien mystérieuses, jubila-t-elle, et à être trop sûre de soi on finit par le payer.

D’un geste vif, l’assassine porta sa main libre à sa hanche pour attraper sa lame, le gentleman cambrioleur venait de terminer son baisemain et, réagissant promptement, profita de sa position pour tordre le poignet de mon héroïne qui stoppa son mouvement pour hurler de douleur.

-A qui donc s’adressent ces mots ? A vous ou bien à moi ?

A force de se débattre, mon personnage parvint à se libérer et recula hors de portée de son adversaire

-Puisque vous le prenez ainsi il ne me reste qu’une solution.

L’homme dégaina une longue épée de sa canne et la pointa vers Anna, laquelle brandissait également son arme devant elle. Les deux combattants restaient immobiles, Lupin bougea en premier, fléchissant les jambes, il s’élança droit vers son opposant. Prête à parer n’importe quelle attaque, l’assassine resta bouche bée quand, à quelques mètres d’elle, le voleur changea soudain de direction et s’enfuit par une des portes. Mon personnage restait seul, stoïque, sous le coup de la surprise, puis, prenant enfin conscience que son adversaire s’était éclipsé, elle se rua à ses trousses. Les deux personnages se poursuivaient à travers les salles, le voleur ne montrait aucun signe de fatigue, mais sa poursuivante ne démordait pas et gagnait peu à peu du terrain. Ils arrivèrent enfin dans une pièce où quatre gardes défendaient une seule et même porte, au même moment Anna se jetait sur sa proie et la plaquait au sol, lui faisant lâcher son arme.

-A moi ! S’écria le voleur. Cette femme est folle, messieurs, je vous en prie, venez-moi en aide !

Rejoignant les deux héros, les gardiens attrapèrent mon personnage et la jetèrent violemment un peu plus loin. Lupin, croyant que sa ruse avait fonctionné, se releva d’un bond et ramassa son arme. Sa joie fut de courte durée, les quatre hommes se retournèrent vers lui, bien décidés à ne pas le laisser s’échapper.

-Je vous aurais cru plus stupide, veuillez m’excuser, je ne recommencerai plus, et si je vous ai vexé, je m’en excuse aussi.

Un grognement répondit à sa phrase. Obligé de se battre, le Leblanais jeta derrière lui son chapeau troué et retroussa ses manches. Puis, plus à l’aise dans ses mouvements, il frappa le premier homme, plantant la lame dans son l’épaule, l’acier rentra sans peine dans la chair du malheureux qui gémit de douleur mais qui n’abandonna pas pour autant, saisissant la main armée de l’épéiste, il l’attira à lui et frappa, un coup puissant dans le ventre qui plia Lupin en deux. En se redressant, le héros fut accueilli par un nouveau coup, cette fois porté au visage, qui l’envoya au tapis, à moitié évanoui.
Il fallait préciser que les gardes, au visage patibulaire, mesuraient près de deux mètres et possédaient des bras démesurés aussi larges que des troncs d’arbre, et la comparaison n’était pas si exagérée que cela.
Dans leurs dos, mon héroïne s’était relevée et se faufilait à pas de loup vers l’entrée que gardaient jusque là les brutes. Tournant la poignée, Anna eut la mauvaise surprise de découvrir la porte fermée à clé ; pour couronner le tout, les sentinelles repérèrent l’assassine et se jetèrent sur elle.
Faisant preuve d’une grande agilité et d’une souplesse étonnante, elle louvoya entre trois des hommes et acheva le quatrième, déjà blessé par Lupin, en lui traçant une longue estafilade le long du ventre.
En voyant leur compagnon s’écrouler, les visages des combattants se durcirent encore plus, les sourcils froncés et la mâchoire crispée, l’un d’entre eux s’avança de deux pas. Après avoir jeté un dernier regard sur son ami mort, il s’avança d’une démarche pesante vers son opposante, autour de son cou brillait une petite clé attachée à une chaîne dorée. Mon personnage attaqua dès que le colosse fut à portée, une grosse main attrapa son bras et la souleva hors du sol. Plus elle essayait de se dégager et plus l’étau se serrait, lui tirant une grimace de douleur, son autre main frappait désespérément la montagne de muscles, ses maigres poings ne dérangeaient aucunement l’homme qui continuait de serrer le bras de l’héroïne.
Alors que tout semblait perdu, une épée traversa le corps du géant jusqu’à la garde, rentrant entre les omoplates et ressortant de l’autre côté au niveau du torse. Arsène Lupin s’était relevé et, une fois son arme récupérée, s’était fendu de tout son long pour porter au gardien ce coup mortel. De rage, le blessé utilisa Anna comme arme et la projeta contre le voleur qui fut percuté de plein fouet par l’héroïne. De nouveau au sol, les deux personnages peinaient à retrouver leurs esprits.
L’assassine se releva en premier et, avisant son adversaire qui se rapprochait d’elle à grands pas, elle prit ses jambes à son cou et s’enfuit de nouveau vers la porte fermée ; dans sa main la clé pendait à la chaînette dorée arrachée du cou de son propriétaire. La porte se déverrouilla et Anna s’apprêtait à entrer quand elle vit, derrière elle, le personnage voleur qui, courant à en perdre haleine, la suppliait de l’attendre. Encore quelques mètres les séparaient quand une réalité s’imposa à elle, il s’agissait d’un ennemi. L’héroïne ferma la porte et tourna la clé dans sa serrure, de l’autre côté du battant elle entendait les gardes qui se ruaient sur Lupin.



La nouvelle salle, éclairé de projecteurs pendus au plafond, ne comportait qu’une colonne sur laquelle trônait le masque, les murs blancs ne comportaient aucun ornement et ne présentaient aucune fissure ou anfractuosité, le sol de marbre était absolument lisse. Le visage d‘or, incrusté de pierres précieuses, à l’expression neutre, attendait là, sur son piédestal. La lumière qui l’inondait ricochait sur les gemmes et reflétaient mille couleurs sur les parois immaculées, des milliers de taches colorées dansaient dans la pièce, allant du bleu au rouge.
Méfiante, Anna fit d’abord le tour de la pièce afin de vérifier qu‘aucun piège ne se déclencherait puis, rassurée, elle s’approcha du trésor et le saisit délicatement. Evidemment tout cela ne pouvait pas être aussi simple, à l’ instant où l’objet quitta son présentoir, un grondement parcourut la salle, un large pan de mur disparut ; derrière, dans un endroit sombre ne comportant aucun éclairage, se trouvait une horde de fauves rugissant. La captive pâlit à la vue des animaux qui se rapprochaient, n’ayant d’autre choix que la fuite, elle revint vers la porte, l’ouvrit, et se retrouva nez à nez avec les gardes. Refermant vivement, elle fit face aux félins, lesquels avançaient, lentement, leurs yeux rivés sur leur proie, ne lui laissant aucune issue possible.
Des deux morts probables qui l’attendaient, l’héroïne choisit celle qui lui parut la moins douloureuse ; de nouveau face aux deux colosses, elle se mit en garde, décidée à se battre jusqu’au bout. Le combat auquel elle s’attendait n’eut cependant pas lieu, les hommes, en voyant s’avancer les tigres, léopards, guépards et autres carnivores à quatre pattes, prirent peur et s’enfuirent à toutes jambes.
Miraculeusement débarrassée de ses ennemis, la jeune femme ne tarda cependant pas à les imiter quand un détail la perturba : qu’était devenue son autre adversaire ?
Avisant une trace de sang sur le sol qui continuait jusqu’à disparaître derrière une porte, on pouvait en déduire qu’il était parvenu à s’échapper, blessé mais encore en vie. Retrouver son chemin ne fut pas difficile, quand sa mémoire lui faisait défaut, les grondements dans son dos lui rafraichissaient la mémoire. Devant la dernière porte du dernier corridor qui la séparait de nous, elle trouva Lupin, le bras tout ensanglanté, qui lui interdisait l’accès.

-Ce n’était pas très gentil, ironisa-t-il, aucune femme ne m‘avait encore fait cela, allons, donne- moi le masque et j’essayerai de tout oublier…

Il s’apprêtait à poursuivre sa phrase lorsqu’un rugissement bestial couvrit sa voix. Dans le dos de mon personnage, un jaguar lancé à plein vitesse sauta par-dessus l’héroïne et se jeta sur le voleur, enfermant la tête du Leblanais dans sa gueule. Dernière survivante, Anna s’éclipsa sans demander son reste. Derrière moi, Maurice Leblanc pestait contre son héros mort. Ma championne ne tarda pas à nous rejoindre, brandissant le masque comme un trophée au-dessus de sa tête.
Mis à part quelques hématomes et des entailles bénignes, elle ne semblait pas être gravement blessée. Les deux parieurs s’avancèrent l’un vers l’autre, le perdant tendit devant lui le livre que je l’avais vu parcourir avant notre combat, puis, en silence, sortit de la salle, la tête basse et son chapeau rabattu pour couvrir ses yeux ; de notre côté, l’imitation d’Emma nous reconduisit vers sa propriétaire. Mais, à la moitié du trajet, l’héroïne stoppa net :


-A partir d’ici je vous laisse continuer seuls, expliqua-t-elle de sa voix toujours aussi inexpressive, prenez ce livre et donnez-le à ma maîtresse.

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